Critique de Les Chroniques de l’Armageddon, Tome 3 : Opération Zombie
Avec la disparition brutale au cours de l’été 2012 du label Eclipse, et de tout son catalogue, l’espoir de voir éditer en France la suite des Chroniques de l’Armageddon avait sérieusement été compromis. Mais, grâce à la maison d’édition Panini Books, Eclipse est finalement revenu d’entre les morts en janvier 2013. Cette reprise salvatrice s’est effectuée en douceur et c’est avec un gros retard qu’Opération Zombie est arrivé sur les étalages en août 2013. J.L. Bourne nous gratifie donc d’un troisième tome, présenté en quatrième de couverture comme la fin tant attendue de la saga.
Pour ceux qui ne le connaissent pas (et qui n’auraient pas la lumineuse idée de consulter l’encyclopédie disponible sur MZC), J.L. Bourne est un militaire américain, toujours en service, qui a décidé d’écrire des romans entre deux rafales de Colt M4, le fusil d’assaut de l’armée américaine. Il faut reconnaître que le bougre ne se défend pas trop mal dans cet exercice littéraire. En effet, les deux premiers tomes de la saga étaient agréables à lire et la présentation du récit sous forme de journal manuscrit permettait à l’auteur de gérer facilement le rythme et le déroulement de l’histoire.
Petit cours de rattrapage pour ceux qui n’auraient pas lu les deux premiers tomes ou ne s’en souviennent plus :
Au travers d’un journal intime, le lecteur suit les aventures de Kil, un militaire en permission qui déserte dès les premiers jours de l’épidémie et se retrouve rapidement avec d’autres survivants : John, un voisin, et Tara une jeune femme qu’il sauve des griffes des zombies. Nos héros peinent à survivre et se retrouvent plongés au cœur d’un monde envahi par les zombies et dévasté par des attaques nucléaires visant à contenir l’épidémie.
Kil et ses compagnons trouvent alors refuge dans l’hôtel 23, un silo de lancement de missiles nucléaires. Toutefois, ils doivent rapidement composer avec un puissant ennemi : une organisation mystérieuse nommée Remote Six. D’abord présentée comme une aide pour le héros et ses compagnons, elle s’avère être une entité peu sympathique, disposant de moyens impressionnants, utilisant notamment une technologie lui permettant d’orienter les immenses hordes de zombies. Lors de son périple, Kil se lie d’amitié avec Saien, un sniper qui deviendra son compagnon d’armes. Dans ce troisième roman, ils partent en mission pour découvrir l’origine de l’épidémie, aidés par les hommes du commando Hourglass, les dernières forces gouvernementales et militaires américaines, pendant qu’un autre groupe des forces spéciales réinvesti l’hôtel 23 dans le but de contrecarrer les projets de Remote Six.
Le changement, c’est maintenant !
La première chose qui diffère des deux précédents volets de la saga est l’abandon de l’idée du journal. A mon sens, ce revirement gomme un des points intéressants des deux premiers romans : un récit qui, de par sa présentation, se voulait réaliste. En effet, sans que cela ne s’explique vraiment, ce qui constituait l’identité de la saga et la rendait intéressante est mis de côté pour aboutir à une narration beaucoup plus classique.
Pour ce qui est de l’intrigue, elle s’inscrit dans la lignée des productions hollywoodiennes que l’on peut voir un peu partout (je ne serai d’ailleurs pas étonné que la saga soit portée à l’écran) : on y trouve rebondissements à foison, scènes d’action bien maîtrisées, scènes épiques avec des personnages qui se sacrifient pour le groupe, d’autres plus intimistes, de la testostérone, des armes et des explosions en tout sens. Du classique mais correctement construit et efficace.
On est ainsi amené à suivre la progression de différents groupes de personnages, tour à tour : un genre d’arcs narratifs idéal pour maintenir un certain suspens. Toutefois, même si chacun a droit à son quart d’heure d’action, des longueurs n’épargnent pas les lecteurs avides de sensations que nous sommes. C’est notamment le cas lors du périple de Kil et Saien lorsqu’ils cherchent à rejoindre les eaux territoriales chinoises. Leur escapade en sous-marin est ennuyeuse et son seul intérêt se résume à en apprendre un peu plus sur l’origine du virus.
J.L. Bourne arrive malgré tout à instiller du rythme au fil des chapitres en utilisant des ruptures bien placées dans la narration : il n’hésite pas à user d’ellipses narratives afin de plonger subitement le lecteur en plein milieu de l’action.
“Kilroy was here”
Par ailleurs, à la différence des précédents ouvrages, l’auteur nous emmène loin des frontières des États-Unis. Les différents lieux, ou plutôt “théâtres d’opération” pour reprendre une expression militaire, nous emmènent aux quatre coins du globe, assurant un dépaysement bienvenu qui marque un peu plus le propos de J.L. Bourne : aucun endroit sur la planète n’est épargné. Tout n’est que paysages envahis de morts avides de chair humaine, que ce soit les magnifiques plages hawaïennes ou le cercle arctique.
Au delà du plaisir de découvrir un monde ravagé, une des choses agréables dans le travail de l’auteur est la présence de deux types de zombies : les “classiques”, plutôt lents et obéissants dont le seul besoin est de se nourrir, et les zombies “irradiés”, plus malins et puissants. A ce titre, J.L. Bourne explique habilement et scientifiquement les différences entre ces deux types de zombies ce qui accroît leur réalisme. Les irradiés maintiennent ainsi une vigueur physique plus importante grâce aux radiations qui ont stoppé le processus de décomposition de leurs tissus en éradiquant les bactéries qui en sont responsables. Dans ce troisième tome les rencontres avec les zombies sont ainsi plus stressantes : les hordes étant toujours plus nombreuses et les zombies irradiés apparaissant de plus en plus régulièrement.
“Semper Fi”
Alors que J.L. Bourne gagne en puissance dans son récit, il continue, comme dans les deux premiers tomes, à perdre le lecteur dans une multitude de détails inutiles. Même si certains permettent une lecture immersive – on découvre avec précision l’intimité d’un sous-marin (hop, petit jeu de mot), les rouages d’un porte-avions ou encore l’intérieur d’un silo à missiles nucléaires – la plupart sont superflus et desservent le récit. On a ainsi droit tout au long de l’ouvrage à un catalogue complet des acronymes employés par les soldats américains pour désigner leur matériel. C’est assommant et ça tue la fluidité du récit. Du coup, là où l’on attend de l’action au détour d’une rencontre avec des zombies, on se retrouve à lire une flopée d’informations sur le matériel et son utilisation adéquate.
Autre point négatif du roman : le nombre de dialogues poussifs et convenus entre les personnages. Certes tout n’est pas à jeter mais on sent bien que ce n’est pas le fort de l’auteur. Les clichés sont ainsi omniprésents dans les dialogues à l’image des personnages caricaturaux qui y prennent part. Les dialogues entre l’amiral (forcément paternaliste et bourru) et ses subalternes m’ont arraché quelques soupirs et je ne parle pas de ceux des membres du commando, tout droit sortis de films de guerre de série B : c’est convenu et ça sonne faux.
Un des autres reproches (décidément) que l’on peut faire à J.L. Bourne, est la transparence de ses personnages due à une description des plus sommaires, empêchant le lecteur de se les approprier. En effet, l’auteur se contente du minimum syndical, livrant quelques informations sur les protagonistes mais guère plus. C’est d’autant plus dommage que leurs réactions sont crédibles et intéressantes.
Sans rentrer dans les détails, la fin de ce tome arrive étonnement très vite, le rythme s’accélérant incroyablement dans les derniers chapitres au point que cela m’ait désarçonné. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi vite réglé. Alors que l’on attend des réponses à l’intrigue principale et que l’on arrive dans les dernières pages du roman, ce constat est inévitable : soit l’auteur avait son repas sur le feu au moment de rédiger les derniers chapitres, soit il planche sur un quatrième tome pour tout expliquer. La fin m’a ainsi semblé bâclée car là où l’on attend un final en apothéose, avec de nombreuses scènes d’action et un suspense insoutenable amené crescendo, on se retrouve avec une tension qui retombe comme un mauvais soufflé au fromage : c’est mou et ça pue.
En fin de compte, j’ai quand même pris plaisir à lire ce roman mais clairement moins que les précédents. Cela est dû à l’abandon du format “journal” qui faisait l’intérêt principal de la saga. Sous cette forme, le récit contribuait à mettre au premier plan l’isolement du héros puisqu’on pouvait partager ses doutes, prendre conscience du stress dû à ses responsabilités. Je retrouvais un peu le Rick Grimes du comic de Kirkman . Avec ce nouveau format narratif, Opération Zombie se retrouve ainsi en concurrence directe avec d’autres romans plus intéressants comme la série de romans de Z.A. Recht : Le Virus Morningstar.
L’auteur sauve tout de même son ouvrage en insufflant du rythme et de bons ingrédients en faisant, par exemple, voyager le lecteur bien plus loin qu’auparavant dans ce monde ravagé par les zombies. Si vous n’avez pas la patience d’attendre la sortie du troisième roman de Z.A. Recht (le 04 décembre 2013), Opération zombie vous permettra donc de tenir jusque là, vous procurant autant de satisfaction que la découverte d’une barre chocolatée en pleine apocalypse zombie alors que vous recherchez un Twinkie…
Petite info qui, je l’espère, vous paraîtra intéressante puisque anecdotique:
En bon militaire, J.L.B. fait référence à “Kilroy was here” qui est un graffiti apparu pour la première fois lors du débarquement de 1944 en Normandie. Les G.I. découvraient avec surprise que l’inscription les précédait lors de leur progression. La légende veut que ce soit l’oeuvre d’un super-G.I. : kilroy. L’idée a été reprise par les soldats américains qui s’amusaient à l’inscrire dans les endroits les plus incongrus, inaccessibles ou risqués. (source : wikipédia) C’est aussi le prénom du héros.