Dieu Reconnaîtra les Siens : Critique, Interview et Concours
Le petit monde du court métrage français s’intéresse de plus en plus à notre sujet de prédilection nous éloignant petit à petit du film de fans pour entrer dans une véritable démarche cinématographique. C’est ainsi que nous avons pu découvrir le court métrage de Cédric Le Men, Dieu reconnaîtra les siens réalisé l’année dernière et actuellement projeté dans plusieurs festivals en attendant de pouvoir atteindre le grand public.
Vous vous demandez pourquoi vous parler d’un film que vous ne pouvez pas voir. Tout simplement car nous avons aimé. Nous estimons que ce court métrage est encourageant, qu’il a été réalisé avec talent, que le scénario est intelligent et que si notre audience pouvait servir à faire en sorte que l’équipe voit son court-métrage projeté en ouverture dans certaines salles, nous remplirions une partie de notre mission d’information.
Oui, vous être en train de vous dire que le réalisateur a organisé un camshow privé pour la rédaction afin de gagner nos faveurs, que MZC a vendu son âme à Arnaud Montebourg pour défendre le Made in France. Que nenni, nous avons juste aimé (cette introduction était la plus longue de l’histoire de MZC, toutes nos excuses aux fans d’Uwe Boll qui ont dû avoir du mal à suivre).
DRLS place donc son action en 1975, dans une petite maison de campagne où des parents veillent leur petite fille visiblement bien malade. Alors qu’ils s’inquiètent de plus en plus, un message radio informe que les morts commencent à se relever, et qu’il est impératif pour les hommes valides de se rassembler et d’éradiquer le mal qui ronge le pays… Pendant ce temps là, plusieurs hommes se rassemblent à l’extérieur de la maison.
C’est donc à partir de cette histoire que le réalisateur, en à peine 13 minutes, aborde un grand nombre de sujets. En effet, cette chasse aux morts-vivants, menée par un prêtre, et le discours radio, qui n’est pas sans rappeler les heures les plus sombres de notre histoire (le journal de 13h de TF1 par exemple), veulent, de l’aveu même du réalisateur, montrer comment les gens se tournent vers le sacré dès lors qu’ils font face à une phénomène inexpliqué. Mais le court-métrage interroge aussi la manière dont les religions s’emparent de cette souffrance pour servir leur propre cause.
Ici les morts-vivants, comme chez d’autres, sont ainsi des prétextes, des représentations symboliques de l’être différent. Nous sommes face non pas à des zombies méchants, voulant manger les vivants pour se nourrir, mais beaucoup plus proche des Revenants de la série de Canal + : des êtres conscients de ce qu’ils sont, dotés d’un libre arbitre.
Et, malgré cette recherche de fond (qui nuit souvent à la forme) nous sommes loin d’une ambiance contemplative. N’oublions pas que le titre est tiré de la réplique d’un abbé lors d’une croisade : “Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les Siens” et ici, il y a aussi du sang.
Et c’est une des forces de Cedric Le Men et son équipe : arriver en 13mn à installer une ambiance, et à créer une vraie tension grâce à des scènes d’action surprenantes et à des effets spéciaux réussis. Il faut ici rendre hommage au maquillage et à l’équipe de post prod qui a réussi à rendre les images bien plus crédibles que beaucoup des longs métrages sortant en DTV que nous avons pu chroniquer. Le premier visionnage offre même ses moments de peur, et on sursaute même une ou deux fois.
D’autre part, le jeu des comédiens est vraiment convainquant, malgré des dialogues assez réduits, et même les petites filles sont impressionnantes dans leur qualité de jeu.
La photographie est également au niveau du reste, avec un travail sur la colorimétrie bien choisi et finalement, le seul écueil reste le cadrage, qui alterne les scènes filmées sur trépieds et caméra à l’épaule de manière un peu aléatoire sans que cela ne soit justifié d’une quelconque manière. Mais pour un une équipe “débutante”, il y a une grosse qualité et nous vous invitons à aimer la page Facebook de Dieu Reconnaîtra Les Siens et à les aider à se faire connaître.
Enfin, pour aller au-delà de la critique, voici une courte interview du réalisateur qui nous éclaire sur sa vision du genre et sur les moyens mis en place pour tourner le court-métrage. Merci à Cédric Le Men de s’être prêté au jeu.
MZC : Pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas (tous en fait, faut pas se la péter ), peux-tu te présenter, résumer ton parcours ?
Cedric Le Men : Alors je m’appelle Cédric Le Men, j’ai 37 ans au moment où j’écris ces lignes. J’ai un parcours un peu chaotique, j’ai commencé par la musique, puis j’ai bifurqué par une fac de langues, j’ai fait plein de boulots différents, une école de cinéma à Paris, je suis passé par la télévision… Tout un tas d’expériences qui m’ont permis d’enrichir un peu ma vision des choses et qui, je l’espère, me permettent de mieux appréhender ma façon de réaliser aussi.
MZC : Que fais tu dans la vraie vie ? Tu es réalisateur à plein temps ?
Cedric Le Men : Non, malheureusement, je ne suis pas réalisateur à plein temps. Je suis intermittent du spectacle, je travaille comme rédacteur de questions sur des émissions de jeu.
MZC : Pourquoi faire un court-métrage sur des morts qui reviennent à la vie ?
Cedric Le Men : Pourquoi pas ? Pour moi, une histoire est une histoire, peu importe la forme qu’elle prend. Je ne comprends pas les gens qui crachent sur le fantastique, pas plus que ceux qui crachent sur le cinéma “classique”. Il y a une dichotomie, en France, que je trouve parfois un peu malsaine et qui dessert vraiment le cinéma français. Certains comédiens ou producteurs, quand tu leurs parles de zombies, te regardent comme si tu avais un anus sur le front : un mélange de stupeur et d’horreur.
Faire un film de morts-vivants nous a simplement permis de parler de thématiques qui ont été traitées un million de fois de façons différentes : la relation à l’étranger, le rapport à la foi, la peur de la différence… Et pour moi, le fantastique n’est pas une fin en soi, c’est vraiment une façon comme une autre de raconter une histoire, de jouer sur un mythe pour véhiculer certaines idées. A une certaine époque, on avait besoin d’imaginer qu’un type traînait une boule de feu derrière son chariot pour conceptualiser le soleil. Aujourd’hui, on n’a plus ce problème là, mais les mythes persistent et servent à cristalliser certaines inquiétudes : la maladie, la peur de la mort etc.
MZC : Les années 70 ont-elles une importance particulière ?
Cedric Le Men : Bah pour moi, c’est la décennie la plus important de notre histoire, puisque j’y suis né ! Plus sérieusement, les années 70 ont été un virage en France, celui de la sortie du “terroir”, l’exode rural massif, à une époque où la France restait quand même assez religieuse, malgré mai 68. Raconter une histoire telle que celle-ci aurait peut-être eu moins d’impact dans un contexte super-moderne, où la vie en campagne n’est plus du tout la même qu’il y a 40 ans.
Et puis ça nous permettait de faire de jolis décors et de beaux costumes !
MZC : On sent une vraie volonté de faire passer un message en filigrane de l’histoire, politique et cinéma de genre vont donc bien ensemble ?
Cedric Le Men : Comme je le disais, dire “cinéma de genre”, selon moi, est une absurdité qui consiste à toujours tout vouloir mettre dans des cases. Le “cinéma de genre” c’est du cinéma, point. On aurait aussi bien pu faire un film social en remplaçant la famille par des noirs et le prêtre par un membre du Ku Klux Klan. Au lieu d’une clé à molette, David Doukhan aurait brandi une torche et Michel Vivier aurait troqué son habit de curé pour une jolie cagoule pointue, mais l’histoire aurait été la même.
Donc oui, cinéma, histoire et politique font bon ménage. Et c’est une triste coïncidence de constater que les abrutis de la Manif pour tous sont aller gueuler comme des veaux dans les rues parisiennes en mai 2013, quelques semaines à peine avant le début du tournage. Dans mon film, on n’a fait que remplacer Frigide Bardot par un prêtre mais, à la base, c’est exactement la même peur de l’autre, la même crainte qu’un “ordre établi” ne soit bouleversé qui les pousse à agir. Et comme les gays, la petite famille dans mon film ne demande qu’une seule chose : qu’on les laisse vivre en paix, sans s’occuper de leurs affaires… C’est sans compter sur les “détenteurs de la morale”.
C’est une histoire vieille comme le monde : on trouve ça horrible que les Rois Catholiques soient allés imposer la foi chrétienne aux indiens d’Amérique, mais on trouve ça tout à fait normal – ou presque – d’aller dicter une conduite et une morale à toutes les minorités, au cœur même de notre pays. C’est la proverbiale paille dans l’œil du voisin, quoi…
MZC : Quelles ont été tes influences lors de l’écriture ?
Cedric Le Men : Mes influences à moi ont été minimes, puisque je n’ai pas écrit le scénario. Je n’ai fait qu’introduire la thématique religieuse, parce que la religion est un sujet qui me tient à cœur, même si je me définis comme “agnostique à forte tendance athée”. C’est surtout Eric Noël qui y a mis du sien, dans ce film. C’est parti d’un ras-le-bol de voir toujours les mêmes schémas dans les films de zombies, et une volonté de changer un peu les choses, de proposer du neuf.
Eric est quelqu’un de fasciné par les mythes modernes et qui cherche vraiment à développer ça dans son écriture. Pour le coup, le mort-vivant était justement un moyen de faire passer tout un tas de choses plus profondes comme j’en parlais plus haut.
Et puis il ne faut pas oublier qu’un scénario c’est souvent un concert écrit à plusieurs mains. Ici chacun y est allé de ses idées, sans être pour autant crédité comme scénariste. Nunzio Cusmano a apporté quelques éléments d’importance, en plus d’avoir écrit les rares dialogues du film. Louis Midavaine, le producteur, nous a aussi apporté quelques précieux éléments de lecture.
MZC : De manière plus générale quelles œuvres zombies t’ont marquées ?
Cedric Le Men : La Nuit des Morts-vivants, bien sûr, qui est cité explicitement dans mon film. Pour moi, ce film est indétrônable, même si j’ai vu beaucoup de choses qui m’ont plu dans le domaine. Et, évidemment, Zombies et Le Jour des Morts-vivants. Pas fan de ce que Romero a fait dernièrement par contre, je trouve qu’il tourne en rond.
Récemment, j’ai adoré les mini-séries anglaises Dead Set et In the Flesh, qui m’a d’ailleurs bien fait flipper car le point de départ de cette mini-série est vraiment proche de celle de DRLS, même si on s’en éloigne assez vite.
28 jours et 28 semaines plus tard fonctionnent bien aussi, je trouve. Les deux films proposent un regard un peu nouveau et sont quand même bien flippants.
Ah et mes toutes dernières claques, ça a été The Battery, vu au PIFFF et qui réussit à marier horreur et poésie, fabuleux. Et un court métrage, dispo sur YouTube, que je trouve absolument génial : Cargo.
MZC : Quand est-ce que nous pourrons voir le film ailleurs ? Une petite exclu pour nos lecteurs ?
Cedric Le Men : Alors Dieu reconnaîtra les Siens revient tout juste des États-Unis et de l’Autriche là, et a été diffusé le 15 avril dernier dans le cadre d’un concours de courts à Toulouse. Il sera visible le 2 mai pendant la “mi temps” de Goal of the Dead à Avignon, lors d’une soirée organisée par Deviant Zone.
Le film est pour le moment inscrit dans plus de 150 festivals un peu partout dans le monde, et nous pensons l’inscrire d’ici la fin de l’année dans encore plus d’une centaine, donc il y a des chances pour qu’il passe non loin de chez vous !
D’ailleurs, en ce moment, on croise les doigts très fort pour le festival Bloody Week End, à Audincourt, qui devrait annoncer sa sélection dans les jours qui viennent !
MZC : Et si demain, les morts revenaient vraiment à la vie, que ferais-tu ?
Cedric Le Men : Ça dépend ! S’il sont aussi sympas que dans mon film, j’irais sans doute prendre le thé chez eux !
Et comme chez MZC, nous aimons nos lecteurs qui aiment les courts-métrages, Cedric Le Men nous a offert 10 liens pour télécharger le film en Full HD. Nous tirerons au sort les gagnants (le 25 avril prochain) parmi les commentaires sur Facebook, Twitter et ici même !
En attendant, vous pouvez toujours voir la bande annonce, qui aura au moins le mérite de vous laisser voir les qualités techniques du film et vous donnera sûrement envie de tenter votre chance pour gagner un lien de téléchargement.
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6 commentaires pour Dieu Reconnaîtra les Siens : Critique, Interview et Concours
Répondre à ZaZoumbie Annuler la réponse.
« Dead Nation, le jeu est disponible sur PS Vita Project Zomboïd vous met en appétit avec la pêche et la cuisine »
Entre l’interview et la bande annonce, ça donne envie! J’espère qu’il sera visible en Bretagne (ou que je gagne l’un des lien )!
Un projet que je suis depuis quelques mois via fb et le kickstarter auquel je n’ai malheureusement pas eu les moyens de participer et ai raté au festival de court de toulouse. Une bouffée d’air dans le court-métrage français “de genre” que je serais bien curieux de voir en entier sous peu. affaire à suivre donc!
bonne continuation sur la route pavée de festivals
Rien que dans cette petite bande annonce on pressent un talent à mille lieux de certains films de zombies actuels qui privilégient les effets spéciaux (pas forcément réussis d’ailleurs) et la surenchère gore. Attention, je ne renie pas mes classiques dan le domaine, mais clairement ce petit aperçu donne envie de voir l’intégralité (moi moi!!! ze veux le lien! ). Je souhaite à ce court-métrage la diffusion qu’il semble mériter!
Très bon pitch, ça donne vraiment envie de le voir !
En tout cas on sent une vraie envie de partager quelque chose de fort !
Je veux le voir! Le court-métrage semble très intéressant.
Je l’attends depuis si longtemmmmmmmmmmmps je veux un lien