Nous l’attendions de pied ferme. Le 7 juillet 2015 est enfin sorti Zombie – La BD dont vous êtes le héros. Après plusieurs reports de publication, cette BD française est donc maintenant disponible en ligne et dans les boutiques de jeux.
À toujours naviguer entre bande dessinée classique, roman, film et jeu vidéo, il arrive parfois que nous nous lassions temporairement de l’univers zombie et que nous espérions quelque chose de vraiment stimulant et original. J’attendais donc cette sortie avec impatience car en tant que fervente adoratrice de jeux, j’étais tout simplement curieuse de voir si Makaka Éditions arriverait à sortir du lot avec cette BD-jeu.
Les zombies débarquent ! Personne n’a anticipé leur arrivée, et pour cause… ce sont vos voisins, vos amis, votre famille. Dans cette aventure apocalyptique, vous incarnez la courageuse Judy, dont la mission est d’aider la population à échapper aux goules, sans se faire mordre elle-même. A moins que vous ne choisissiez d’incarner Ben, un malheureux zombie contraint de dévorer des vivants, sans se faire tuer.
Êtes-vous prêt à tout pour survivre ?
Les plus joueurs d’entre vous connaissent bien sûr la collection Un roman dont vous êtes le héros dont l’apogée s’est faite dans les années 1990. Ces romans ont la caractéristique d’être interactifs, permettant ainsi de jouer avec l’histoire, puisque son déroulement dépend des choix faits par le lecteur. Constitués de paragraphes courts numérotés, ces ouvrages vous imposent de prendre des décisions comme parler à un personnage, prendre une direction plutôt qu’une autre, et même combattre des ennemis. Une fois vos choix faits, vous devez vous rendre au numéro indiqué. Le côté jeu de ces livres réside aussi dans le fait qu’à la façon d’un jeu de rôle ou un jeu vidéo, votre personnage peut mourir, impliquant de recommencer depuis le début.
Amatrice de ces jeux à l’époque, j’étais donc désireuse de savoir si La BD dont vous êtes le héros saurait se rendre plus ludique que les romans, de part son côté visuel notamment. Par ailleurs, et parce que nous sommes ici pour parler de zombies avant tout, j’appréhendais que la thématique zombie ne soit encore une fois qu’un prétexte pour surfer sur la vague commerciale du moment. Place au verdict.
Une BD-jeu très facile à prendre en main
Avant toute chose, il est important de savoir que Makaka Éditions n’en est pas à sa première BD dont vous êtes les héros. En effet, aujourd’hui, Zombie s’inscrit dans une collection qui compte un peu plus d’une dizaine d’albums. Piraterie, enquête, fantastique, il y en a presque pour tous les goûts et certains ouvrages connaissent même un franc succès. Par exemple, la BD intitulée Chevaliers, a été vendue à plus de 20 000 exemplaires. Nous avons donc affaire à une maison d’édition qui a déjà pris du gallon, ce qui se ressent très rapidement à la lecture.
En ce qui concerne la prise en main, Zombie est déconcertant de facilité. En effet, il n’est pas nécessaire de lire 10 pages de tutoriel et de partir à la recherche de matériel spécifique. 2 pages explicatives, 1 fiche d’inventaire par personnage, 1 carte de la ville, et c’est parti. Pour jouer, vous n’aurez donc besoin que d’un stylo pour noter votre progression puisque tout le reste est fourni.
Après une courte introduction qui vous permet de choisir quel personnage vous voulez incarner, vous démarrez au milieu d’une ville déjà infestée de zombies. Si vous avez choisi Judy, vous êtes encore bien vivant et votre but sera de quitter la ville en vie, en aidant, si vous le souhaitez, les quelques survivants rencontrés en route. Si vous êtes Ben, pas de chance, vous vous êtes malheureusement déjà fait croquer par quelques macchabées affamés. Vous devrez néanmoins également essayer de quitter la ville pour sauver ce qu’il reste de votre cadavre putréfié, avant l’arrivée des militaires.
Ensuite, il ne vous reste plus qu’à vous laisser guider dans l’aventure, sans prise de tête.
Un univers humoristique et ludique
Au-delà de la trame principale qui consiste à quitter la ville au plus vite, certaines possibilités offertes par le jeu m’ont particulièrement fait apprécier l’expérience. Je pense notamment à l’originalité du passage où l’on peut monter dans un véhicule avec l’un des personnages. La vue alors présentée dans les cases se fait à travers le pare-brise, ce qui est assez inattendu.
J’ai également apprécié les références geek qui font partie de certaines énigmes ou encore les actions un peu décalées qu’il est possible de réaliser : faire du toboggan, plonger dans une piscine, regarder un film au cinéma… Ces exemples en particulier sont anecdotiques par rapport à tout ce que l’on peut faire par ailleurs, mais ils apportent du fun à l’ensemble. Il est en revanche dommage de ne pas trouver plus de références à l’univers zombie à proprement parler (films, romans, jeux etc.).
D’un point de vue plus général, l’approche proposée lorsque nous incarnons Ben, est intéressante et amusante. En effet, en tant que zombie, il n’est pas très vif d’esprit. Fort heureusement, il peut acquérir des points d’intellect qui lui permettent de faire preuve de plus d’intelligence et de jugement pour appréhender certaines situations. Ainsi pour utiliser des armes plus élaborées, Ben doit gagner de l’intellect. Sans cela, il sera condamné à utiliser un manche à balai ou une brosse WC qui n’occasionnent que très peu de dégâts. Ce point en particulier m’a fortement rappelé Land of the Dead et je pense enfin avoir compris comment les zombies de George A. Romero pouvaient recouvrer un soupçon d’intelligence !
Un univers Z classique axé sur les possibilités de jeu
Concernant les zombies, ceux que nous rencontrons dans l’ouvrage sont très classiques. Ce sont des créatures lentes, pas très futées et mangeuses de chair humaine. N’attendez pas de monstres surpuissants, d’animaux zombies ou de plantes génétiquement modifiées car vous seriez déçus.
De la même manière, Zombie n’a pas l’ambition de proposer un scénario innovant ou original. En effet, ce livre-jeu ne prétend pas vous apporter une quelconque explication sur l’épidémie zombie. À vrai dire, nous nous rendons vite compte que les personnages ne sont là que pour participer au décor et pour faire avancer l’action. Cependant, comme le dit très bien la 4ème de couverture, il n’y a « qu’un seul but : survivre« . Les éditions Makaka ne mentent pas sur le produit.
Si cette absence d’originalité scénaristique n’est pas rédhibitoire pour vous, vous pourrez alors apprécier le jeu et les possibilités variées qu’il offre. L’intelligence de la BD réside dans le fait que la grande majorité des cases sont accessibles par les deux personnages, ce qui permet une exploitation maximale des 386 cases (ou groupes de cases) qui constituent l’ouvrage. Il en résulte la possibilité de parties très différentes, que vous soyez bêtement mort ou que vous souhaitiez tout simplement rejouer. Le jeu propose suffisamment d’endroits à visiter, d’énigmes à résoudre pour avancer et vous fera même recourir à votre âme de psychologue puisque, si vous incarnez Judy, vous devrez aussi gérer les personnalités constituant votre équipe de survivants. Il faut en effet bien choisir ses compagnons en fonction de ses objectifs, car si vous avez un enfant dans votre groupe par exemple, son manque de discrétion fera que les zombies auront toujours l’initiative lors des combats. Néanmoins, il pourra peut-être vous être utile pour plus tard…
Des lacunes notables pour les joueurs-lecteurs exigeants
Pour terminer sur le négatif, en tant que joueuse régulière, j’ai été un peu déçue par une difficulté de jeu pas toujours bien équilibrée. En effet, alors qu’il est bizarrement peu probable de mourir en combat, le décès de votre personnage sera bien souvent dû à sa présence au mauvais endroit au mauvais moment…
De plus, le système de distribution des points d’intellect (pour Ben) et des points de furtivité (pour Judy) m’a semblé bien trop facile. Ces points sont en effet distribués trop généreusement. Ainsi, lorsqu’on en a suffisamment, il est possible d’éviter la majorité des combats et des situations délicates, ce qui enlève beaucoup d’intérêt à l’aventure.
J’ai également été confrontée à des imprécisions dans les règles qui m’ont parfois perturbée, ne sachant pas si j’agissais bien ou non. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que les joueurs occasionnels seront certainement moins sensibles à ces détails que les joueurs réguliers.
Par ailleurs, pour que Zombie soit vraiment le must have d’une bibliothèque zombie, il lui aurait peut-être fallu un peu plus de profondeur. Il aurait été appréciable par exemple de voir les histoires des personnages principaux se recroiser, de développer un peu plus le scénario, voire même d’intégrer plus d’évènements imprévisibles (de nouveaux zombies, des passages devenus inaccessibles). De plus, la BD ne propose pas assez de choix cornéliens décisifs à mon goût : dormir dans une pièce pour récupérer des points de vie au risque d’être réveillé par des cadavres ambulants etc, emprunter un pont fragile qui peut s’effondrer et bloquer le chemin retour, etc.
Enfin, très subjectivement, je n’apprécie pas vraiment le style angulaire très particulier des illustrations de Jon Lankry. Sans remettre en cause la qualité du dessin ou de la BD, car il s’agit d’un bel objet, je dois admettre que cela m’a un peu rebuté de prime abord. Fort heureusement, l’ensemble est assez dynamique et soigné pour passer outre les préférences graphiques de tout un chacun.
Zombie, la BD dont vous êtes le héros peut donc être considérée comme une réussite. Elle propose un univers cohérent, amusant et suffisamment riche pour faire plusieurs parties sans s’ennuyer malgré ses quelques lacunes, comme le manque de scénario ou l’imprécision de certaines règles. Cependant, nous pouvons nous rassurer en se disant que cela semble plutôt dû au format de l’ouvrage qu’à un défaut d’attention des auteurs et éditeur. Espérons donc que celui-ci soit bien reçu par le public afin, pourquoi pas, de découvrir un nouvel ouvrage du genre, qu’il s’agisse d’une suite ou d’un autre standalone sur la thématique ; nous serons là pour y jouer.
4 commentaires
J’ai acheté récemment Zombie et j’ai eu l’occasion de faire une partie avec Judy et une autre avec Ben. Avec Judy, rien à dire, je me suis éclatée. Par contre, je dois dire que je n’ai pas compris grand chose en jouant avec Ben. D’une part, il m’est arrivé plusieurs fois de tomber sur des cases cul-de-sac, sans numéro de cases pour poursuivre ni mot indiquant que c’était la fin. Du coup, on se demande ce qu’on est censé faire. Et la seule fois où je suis arrivée sur une case « Fin », je ne l’ai même pas comprise (la 218 en l’occurrence)… J’ai jeté un œil aux autres fins possibles pour Ben et je me suis rendu compte qu’on ne comprenait jamais vraiment si c’était une fin positive ou négative… :/ Tu n’as pas eu ce genre de souci ?
Il arrive parfois que les numéros soient vraiment très bien dissimulés dans les cases, et j’ai parfois été surprise après avoir pensé être tombée dans un cul-de-sac, de voir subitement le chiffre dans un coin de la case. Je pense que c’est ça qui a dû se produire. Pour la case 218, je ne suis pas tombée dessus donc il est difficile d’en faire une interprétation… Cela dit, j’ai aussi trouvé que les fins étaient un peu rapides, surtout pour Ben. Mais étant donné qu’il s’agit d’un zombie, je peux comprendre qu’il soit difficile de broder sur ses fins possibles. Il serait intéressant de savoir si les autres BD de l’éditeur ont des fins aussi expéditives ou si c’est spécifique à Zombie.
(désolée pour le délai de réponse à ta question, ton commentaire m’avait échappé :))
Bonjour par ici
J aurais aimé savoir à partir de quel âge vous pensez que c est accessible ?
Merci
Bonjour Béatrice,
Je pense que c’est très relatif à la maturité du lecteur et aussi de ses habitudes de jeu/lecture ! Cela dépend aussi de la possibilité de se faire aider par un adulte en cas d’incompréhension. Je dirais qu’un ado/pré-ado à partir de 12 ans pourrait apprécier, mais il serait mieux qu’il soit un peu familiarisé au concept « dont vous êtes le héros » ou aux jeux en général.
L’idéal serait de demander à l’éditeur car leur site internet ne précise pas la cible.