Épisode 9 – À l’intérieur du wagon
— N’aies pas peur, petite ! dit Stacy en levant les mains pour ne pas l’effrayer.
La fillette restait immobile, les bras pendant mollement le long du corps. Elle fixait Stacy sans montrer la moindre émotion.
— Tu la connais ? s’enquit Sarah qui ne pouvait pas détourner son regard de l’enfant.
— Non.
L’adolescente fit un pas vers la fillette mais celle-ci fit brusquement volte-face et s’enfuit dans le couloir.
— Hé ! Attends !
Stacy lâcha son sac et partit à sa poursuite en s’enfonçant à son tour dans le corridor. Elle traversa la grande salle à manger mais la gamine était déjà sortie du bâtiment. Elle courait dans la cour extérieure nord. L’adolescente repoussa violemment la porte qui se refermait doucement sur elle et l’aperçut : elle s’engouffrait dans un trou creusé dans le mur d’enceinte. Elle disparut de l’autre côté. Stacy fila jusqu’au passage mais il était juste assez large pour accueillir le corps fluet de l’enfant. Elle se baissa alors et plongea les yeux dans le trou. La fillette était déjà loin. Elle traversait un immense terrain vague en courant en direction d’un entrepôt plus au nord.
Contrariée de ne pas l’avoir rattrapée, Stacy rejoignit Sarah qui était restée dans la grande salle à manger.
— Elle t’a échappé ?
— Ouais, répondit l’adolescente en reprenant son sac.
Elle sortit du bâtiment, immédiatement imitée par Sarah.
— T’as l’intention de la retrouver, n’est-ce pas ?
— T’as pas d’enfant, répondit sévèrement Stacy. Tu peux pas comprendre.
— Tu ne sais pas sur qui on va tomber là-bas ! Et puis, tu vas faire quoi ? L’arracher à ses parents ?
— S’il le faut, oui.
Sarah lui agrippa brusquement le bras. L’adolescente se figea et se retourna.
— C’est de la folie ! lança Sarah.
— T’as vu cette gamine ? répondit Stacy avec fougue. Elle est livrée à elle-même. Quel genre de parents peut laisser une enfant seule dans les rues ? Je ne la laisserai pas, tu entends !
Stacy jeta son sac de l’autre côté du portail, prit appui sur la structure métallique et l’enjamba. Elle manqua de basculer en arrière lorsqu’elle vit un zombie allongé au sol. Le sac avait atterri sur lui et l’avait fait chuter. L’adolescente bondit sur la chaussée avant que le monstre ne se relève et lui assainit un violent coup de crosse sur le crâne pour l’immobiliser définitivement.
Sarah sauta à son tour par dessus le portail. Trois morts-vivants titubaient au bout de la ruelle. Elle monta dans le véhicule alors que Stacy, qui avait pris place derrière le volant, mettait le contact. Ils quittèrent aussitôt la rue en dépassant les zombies qui tendaient leurs bras dans leur direction et grognaient, désespérés de les voir s’en aller.
***
Le véhicule contourna la crèche et parvint rapidement sur le terrain vague par lequel la fillette s’était enfuie. Il le traversa, secoué par les bosselures du sol, et se retrouva sur la route. Un immense entrepôt se trouvait à quelques encablures de là.
— Elle doit se cacher ici ! lança Stacy en se garant face au bâtiment.
L’entrepôt longeait une rue déserte sur plusieurs dizaines de mètres. Des rails, autrefois utilisés pour acheminer les marchandises, traversaient la ville et terminaient leur route dans le hangar, par une immense ouverture sur le côté. Des wagons à l’arrêt étaient entreposés çà et là, signes d’une vie autrefois florissante mais à présent révolue.
Sarah sortit du 4×4 et observa la devanture de l’entrepôt. Un grand portail métallique s’élevait jusqu’à la toiture rouillée. Le mur commençait à s’effriter. La jeune femme sortit l’arme coincée à sa ceinture alors que Stacy, qui avait quitté le véhicule, tentait d’ouvrir le portail sans succès.
— C’est fermé de l’intérieur !
— Par ici ! s’exclama Sarah qui avait remarqué les wagons sur le côté du hangar.
Elles se dirigèrent vers le flan du bâtiment et entrèrent dans l’entrepôt en suivant les rails. L’intérieur sentait l’humidité. De la ferraille s’amoncelait sur le sol et des plaques de fer étaient empilées sur plusieurs mètres de hauteur dans un coin. Au centre, un vieux wagon trônait sur ses rails. Les deux jeunes femmes quadrillaient l’endroit du regard sans retrouver la moindre trace de la fillette. Un grand escalier en fer menait aux bureaux à l’étage mais toute sa partie inférieure s’était effondrée. À côté, une benne à ordure posée sur roulettes était adossée au mur.
Brusquement, des chuchotements provenant de l’intérieur du wagon vinrent briser le silence. Sarah fit un signe de la main à Stacy et s’avança prudemment vers l’imposante armature métallique. L’adolescente se positionna face à l’entrée, tendit sa main vers la poignée en braquant son arme et tira d’un coup la lourde porte coulissante. Son cœur se serra tout à coup. Elle laissa retomber l’arme le long de son corps.
Quatre enfants, simplement éclairés par la lumière qui venait de s’incruster dans le wagon, étaient recroquevillés dans un coin, terrifiés. Parmi eux, la fillette, qui avait fui la crèche. Elle tenait un nourrisson dans les bras.
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