Pour la petite anecdote, c’est en faisant moi-même la promo de mon roman que j’ai entendu parler pour la première fois de 100 000 Canards par un Doux Soir d’Orage. C’est ainsi qu’un journaliste de La Provence, que je rencontrais cet hiver, me l’a fait découvrir me parlant d’un ouvrage déjanté, à la plume fulgurante et remplaçant ouvertement les zombies par… des canards.
Intrigué, je me suis donc procuré ce roman de Thomas Carreras (merci aux éditions Sarbacane), un très jeune auteur originaire, comme moi, des Alpes de Haute-Provence qui s’essaie aujourd’hui à l’art du scénario au Canada, et publié en janvier 2015 par les éditions Sarbacane.
Autant le dire tout de suite, le journaliste ne m’a absolument pas menti. 100 000 Canards par un Doux Soir d’Orage n’est donc pas réellement un livre de zombies, mais ses canards cannibales restent très clairement une allégorie de la figure du zombie pour Thomas Carreras qui n’hésite d’ailleurs pas a égrainer son récit de pas mal de références à la culture zombie. Si l’idée vous plaît, alors en voiture Simone.
Dans 100 000 Canards par un Doux Soir d’Orage, nous embarquons pour Merrywaters, un bled perdu d’Angleterre (on sent l’inspiration de notre département) où se tient malgré tout un des plus gros festivals de musique du monde. Nous y suivons notamment Ginger, une jeune américaine, ainsi que plusieurs villageois, alors que les canards semblent comploter contre les humains. Rapidement, tout part en vrille (en vrille totale).
La plus grande qualité de ce roman est le style impeccable, précis, rythmé et communicatif de son auteur. Rarement, je ne me suis senti convaincu par un livre dès sa première page. Dès les premières lignes en fait, Thomas Carreras convainc avec un style épuré, parfois presque oral, mais terriblement efficace. Jugez-en :
“Merde il pleut.
À peine cette pensée formulée, une goutte de la taille d’un œuf s’écrase sur mon nez. Réaction, je lève la tête : l’entrée du patelin est à cinq cents mètres… Faut que je me magne.
Je sprinte comme une tarée vers le minuscule amoncellement de maisons qu’ils appellent village, animée du fol espoir d’y trouver un abri avant d’être complètement trempée. Un hôtel, un bar, une gare, n’importe quoi pourvu qu’il y ait un toit.
Rien. Juste des colonnes et des colonnes de cottages… à part… Alléluia ! Sur ma droite, un pub !
Il me faut encore une poignée de secondes pour atteindre la porte du Black Lion, que j’ouvre avec fracas. Tous les regards dans la pièce se braquent automatiquement vers moi. Bouche bée, les ploucs.
Bah, ils s’en remettront.”
Nous sommes donc directement happés par le récit, d’autant que le caractère bien trempé de Ginger et des autres protagonistes permet d’enchaîner les situations cocasses et souvent amusantes. J’ai personnellement eu beaucoup de mal à lâcher le livre dans sa première partie, lorsque les principaux événements se mettent en place.
En revanche, après le revirement inattendu (et fort drôle) de situation qui termine la première partie, j’ai eu davantage de mal à entrer dans le récit. Pourtant, Thomas Carreras ne manque pas d’idées et son imagination débordante continue à apporter son lot de moments WTF à l’intrigue mais j’ai trouvé l’ensemble beaucoup moins communicatif. Certes, l’arrivée de célébrités en guest stars et d’une multitude de personnages cinglés permet à l’ensemble de se lire avec un plaisir non dissimulé, mais je n’ai finalement retrouvé l’excitation des premières pages qu’en de plus rares occasions. Il faut dire que le début du roman avait placé la barre vraiment très haut.
“- MEEEEERDE !!! glapit Mick Jagger.
Le bungalow se transforma aussitôt en un tourbillon de plumes, de bouteilles brisées, de couaquements, de jurons, de chaises défoncées : bref, aux oreilles de Stevie, toute une bande-son d’enfer laissant deviner que Jagger se faisait grave niquer la gueule.Un aveugle ordinaire n’aurait rien pu faire. Mais Stevie Wonder n’était pas un aveugle ordinaire. Au jugé, il chopa l’énorme enceinte hi-fi à côté de lui, la serra fermement et fit mouliner son bras, comme pour lancer une batte de baseball hypertrophiée. L’enceinte heurta un truc mou ; prenant ça pour un bon signe, Stevie recommença. Un liquide chaud l’éclaboussa.”
Parallèlement, l’aspect survie à l’invasion de canards cannibales m’a un peu déçu lorsque les protagonistes se réfugient dans un château. Plusieurs idées, comme l’introduction d’une sorte de religion et de canards un brin particuliers, m’ont semblé aller un peu trop loin dans le délire sans rien apporter. Dommage.
Bref, bien que très inégale, 100 000 Canards par un Doux Soir d’Orage reste une lecture déjantée, bourrée d’idées folles qui ne manquera pas de vous faire passer un bon moment de divertissement notamment grâce à sa première partie vraiment très amusante et admirablement bien écrite. Voilà un auteur qui a de l’avenir dans la narration, qu’il choisisse de poursuivre dans la voie des romans ou des scénarios.
3 commentaires
Je vais en parler à mes collègues qui bossent à la com. On a un journal qu’ils font est qui s’appelle “Le canard de l’ourcq” car on a le canal de l’ourcq à côté de notre bâtiment. Mais sachant que c’est genre horreur, je ne sais pas si ils vont aimer.
A lire sans hésitation !
Merci pour ce conseil de lecture ! Dès les premières pages, il a imprimé sur mon visage un sourire prometteur qui n’a finalement disparu que pour laisser la place à un rire sincère… L’auteur va très loin dans la fantaisie et c’est bien écrit en plus. Je me suis régalé. Si tu connais un autre ouvrage comme celui là, je suis preneur. Merci encore !
Content que tu aies découvert ce roman grâce à moi ! Mais je ne connais pas grand chose d’aussi déjanté.