Les natifs des années 80-90 auront peut-être la sensation d’un déjà-vu avec ce nouveau roman français de Johan Heliot paru le 15 mai dernier aux éditions Scrineo Jeunesse Au secours ! Les profs sont des zombies ! qui n’est pas sans rappeler celui de Bruce Coville qui était certainement disponible au CDI de votre collège à l’époque : Mon prof est un extraterrestre. A nouvelle génération, nouvelle figure emblématique. Alors que les adolescents de la fin du XXe siècle côtoyaient extraterrestres et vampires en regardant The X files, Loïs et Clark ou encore Buffy contre les vampires, la figure fantastique du début du XXIe siècle est incontestablement le zombie. Ainsi, une série telle que The Walking Dead remportant autant de succès sur le petit écran aurait été quelque chose d’inimaginable il y a 15 ans. Puisque la télé s’y met, pourquoi pas les auteurs jeunesse ? Il est certain qu’aujourd’hui, profs et parents sont bien mieux préparés à accepter ce type d’ouvrage au sein de leur maison ou de leur établissement et on voit ainsi petit à petit la littérature zombie s’installer au rayon jeunesse.
L’histoire de Au secours ! Les profs sont des zombies ! se déroule au collège Georges Franju dans une petite bourgade française. Norbert et Hakim, deux amis inséparables et élèves de la classe de 4e B vont y vivre une journée tout à fait extraordinaire et dont ils se souviendront toute leur vie. C’est en effet le dernier jour de cours de Georgette Romero, la prof de SVT, surnommée “La Gloumoute” par tous les élèves. Ce matin-là, Mme Romero a apporté un gâteau à partager avec ses collègues avant le début des cours pour fêter son dernier jour. Après avoir fait honneur à la pâtisserie au goût étrange de la Gloumoute, les profs commencent leur journée comme à l’accoutumée. Mais très rapidement, ceux-ci commencent à changer d’aspect et à se comporter bizarrement. Les élèves gardent leur calme malgré la pâleur cadavérique et les grognements de leur enseignants mais lorsque que Mme Savini, la prof d’arts plastiques se jette sur une élève pour la manger, la panique s’empare de tout le collège. Hakim et Norbert qui se trouvent alors puni en salle de permanence vont devoir faire équipe avec 2 autres élèves et un surveillant pour se sauver… ou sauver le collège !
Bien qu’une telle l’intrigue ne soit pas débordante d’innovation pour nous, amateurs de culture zombie, il est probable qu’un enfant ou adolescent entre 8 et 12 ans qui débute dans le genre puisse y trouver son compte. Dans un premier temps parce que la thématique est d’actualité, puis parce que c’est humoristique, et enfin parce que c’est un livre très court (224 pages) qui ne demande pas un investissement énorme pour un lecteur en herbe. Par ailleurs, l’enchaînement des péripéties se suit plutôt bien et étant donné que toute l’action se situe dans le collège (salle des profs, salle de cours, réfectoire, CDI, bureau de la vie scolaire…), l’identification aux héros est plutôt aisée. Enfin, il faut reconnaître que Johan Heliot a fait un réel effort d’originalité quant au dénouement de l’histoire, bien qu’un peu tiré par les cheveux. En tant que lectrice adulte en revanche, j’ai été gênée par certains personnages très stéréotypés, notamment la jeune fille belle et intello que tous les garçons admirent (y compris Norbert), le surveillant un peu benêt et le cancre absentéiste dont les parents ne s’occupent pas.
À cela s’ajoute un style très scolaire un peu lourd à mon goût. Par exemple, lorsque le cancre emploi le terme “tourteaux” à la place de “tourtereaux”, l’auteur semble se sentir obliger de préciser :
Ni Jade, ni Norbert ne prirent la peine de corriger le lapsus animalier du redoublant, qui confondait les traditionnels tourtereaux, symboles d’un amour naissant, avec de moins ragoûtants crustacés.
Ainsi, j’ai eu la forte impression durant toute la lecture que le livre sous-estimait sa cible, qui se situe a priori entre 11 et 15 ans. De même, j’ai trouvé que le récit manquait d’intensité, comme si Johan Heliot avait voulu épargner ses lecteurs de l’aspect horrible de son “roman d’horreur”. De ce fait, l’ouvrage donne la part belle à l’humour mais au détriment du suspens et de l’horreur. Est-ce dû à des contraintes imposées par les éditeurs qui prennent les adolescents d’aujourd’hui pour des petits êtres fragiles – mais qui regardent The Walking Dead avec papa-maman ?
Heureusement, d’un point de vue de lecteur adulte, l’honneur est sauf grâce aux nombreuses petites références au genre zombie qui ponctuent le récit. Les profs s’appellent par exemple Georgette Romero, Pom Savini, Lucien Foulchi ou encore Sam Rémi. Ces derniers, une fois zombifiés, à l’instar des zombies de George Romero dans Zombie, Le crépuscule des morts vivants, gardent certaines habitudes de leur vie d’avant. On voit donc le prof d’EPS courir autour du stade et le prof de maths chercher désespérément du café pour remplir sa tasse qu’il ne lâche pas d’un pouce. Pour finir, en fin d’ouvrage, Johan Heliot donne une liste intitulée “Les zombies font leur cinéma” constituée d’une vingtaine de références cinématographiques du genre pour les jeunes lecteurs qui souhaiteraient aller plus loin, depuis Vaudou (1943) à Survival of the dead (2009) en passant par Shaun of the dead (2004) ou encore Black Sheep (2006).
Au secours ! Les profs sont des zombies ! n’est donc à mon avis pas un livre à recommander pour un adulte ou même pour un adolescent de plus de 14 ans, à moins d’être vraiment très indulgent et curieux. C’est une réalité, les récits jeunesse n’ont pas tous la possibilité ou l’envie de conquérir un public plus large comme peuvent le faire Harry Potter, Alice au pays des merveilles ou Charlie et la chocolaterie. En revanche, l’ouvrage est une bonne entrée en matière pour une cible de pré ados et adolescents encore un peu trop jeunes pour voir des films ou lire des livres de “grands”. Malgré tout, si Johan Heliot vous intéresse, sachez qu’il n’écrit pas que pour la jeunesse et vous pourrez trouver dans sa bibliographie des romans de science-fiction, de fantasy et même des thrillers. À quand le roman zombie ?