Critique de Dernier Train pour Busan

dernier train pour busan

Alors qu’il bat tous les records de box office en Corée du Sud et que des studios internationaux (dont français) se battent déjà pour acheter les droits d’un potentiel remake, c’est hier que débarquait dans nos salles de cinéma le blockbuster coréen de zombies Dernier Train pour Busan. Depuis l’été 2013 et le World War Z de Brad Pitt, malgré son succès continu dans la culture populaire, le zombie avait boudé les grandes salles françaises (malgré des apparitions fugaces dans de grosses productions américaines). À vrai dire, chez MZC, nous pensions même ne pas l’y retrouver avant le final de la saga filmique Resident Evil en janvier 2017. C’est donc avec plaisir que nous avons appris la programmation de Dernier Train pour Busan dans plus de 250 salles françaises.

Réalisé par Yeon Sang-Ho qui s’était fait remarquer à l’international pour les films d’animation The Fake (Saibi, 2013) et The King of Pigs (Dwae-ji-ui wang, 2011), notamment pour leurs visions acerbes de la société coréenne, et plus récemment pour Séoul Station (Corbeau d’Argent au BIFFF 2016), Dernier Train pour Busan nous propose de monter à bord du KTX, un train à grande vitesse Coréen, alors qu’une épidémie zombie frappe le pays et qu’un père et sa fille tentent de survivre pour rejoindre la mère de l’enfant.

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Embarquez à bord du World War Z Coréen

Une des choses qui est souvent reprochée au genre zombie est son incapacité à innover en terme de localisation de l’action. Souvent, les scénaristes se contentent de nous plonger dans des milieux plus ou moins urbains où nous suivons l’évolution d’un groupe de survivants. Ici, même si ce cadre n’est pas inconnu aux jeux vidéo, le film de Yeon Sang-Ho nous propose d’évoluer dans un décor inédit – l’intérieur d’un train à grande vitesse – tout en nous proposant une grosse dose d’action.

En bon capitaine de wagon, Yeon Sang-Ho parvient admirablement à retranscrire à l’écran l’angoisse d’être enfermé dans un endroit aussi restreint, en mouvement et, qui plus est, envahi de zombies. Tout au long du film, l’utilisation de ce décor est vraiment réussie et nous voyons les héros recourir à tout un tas de méthodes pour échapper aux zombies entre, par exemple, l’escalade des emplacements normalement réservés aux bagages pour gagner de la hauteur, l’enfermement dans les toilettes ou le verrouillage des portes entre les voitures. Après ce film, vous ne verrez plus l’intérieur d’un train de la même manière.

À cela s’ajoutent des zombies très proches de ceux de World War Z et donc particulièrement dangereux. Comme dans le film de la Paramount, les zombies de Yeon Sang-Ho sont des infectés coureurs qui forment en groupe une masse grouillante de créatures particulièrement impressionnante. Visuellement, le film ne lésine d’ailleurs pas sur cet aspect et nous offre un grand nombre de scènes mémorables, notamment lorsque les zombies, à plusieurs reprises, parviennent à briser des vitres et déferlent alors en nombre.

Mais l’un des principaux intérêts de ces zombies, qui permet d’ailleurs au film de se doter de quelques idées novatrices, est la cécité presque totale des infectés dans le noir. Ici, les zombies ne réagissent qu’à la vue de leur proie (et au son) et se contentent dans le noir d’errer et de grogner sans réel but. Cette originalité est habilement exploitée par le scénario et introduit un surcroît de tension, les seuls passages dans l’ombre étant les moments où le train traverse des tunnels. Quand la lumière reviendra-t-elle ? Les héros vont devoir parier gros pour s’en tirer vivants.

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De l’action sur fond de critique sociale

S’il s’agit de son premier film live, Yeon Sang-Ho n’en est pas à son coup d’essai en tant que réalisateur. Ses précédents films, des films d’animation, lui ont ainsi valu une certaine réputation en tant que cinéaste engagé. Égal à lui-même, il ne s’est donc pas contenté de faire de Dernier Train pour Busan un festival d’action et d’effets visuels et c’est une véritable critique de nos sociétés qui s’étale en toile de fond.

Celle-ci s’illustre principalement au travers de deux personnages. D’abord le père, Seok Woo (Yoo Gong), un gestionnaire de portefeuille d’actions, égoïste et dévoré par son travail, mais qui essaie malgré tout de faire bonne figure auprès de sa petite fille. Ce n’est toutefois pas là que Dernier Train pour Busan marque des points. J’ai en effet personnellement trouvé la manière de brosser ces traits de caractère du personnage vraiment très grossière à grand renfort de scènes ridicules (l’anniversaire oublié, l’absence à la fête de l’école, le “chérie tu ne dois penser qu’à toi” “tu ne dois pas laisser ton siège aux mamies”). Toutefois, cela permet en fin de compte d’aborder une thématique qui fait très souvent mouche dans le genre : celle de la rédemption. Je regrette donc qu’elle ait été introduite de manière aussi lourde. Je dois cependant avouer qu’avoir vu le film en VF n’a probablement pas aidé…

Ensuite, cette critique sociale s’illustre via le personnage d’un patron, également pris au piège du train. Tout au long du film, cet homme enchaîne les horreurs avec pour seul but : celui de survivre. Entre mensonges, tromperies, manipulations, sacrifice des autres, il illustre à lui seul l’explosion du lien social et la montée de l’individualisme dans une société lancée à pleine vitesse (le train ?) et qui n’est plus capable de s’arrêter. En cela, j’ai trouvé le film fort bien senti, d’autant que les réactions aberrantes de certains personnages nous font osciller entre incompréhension légitime et agacement, une frontière habilement maîtrisée. On aimerait se dire que ça se passerait autrement en vrai… mais rien n’est moins sûr.

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Une gestion de l’espace et du temps bien moins maîtrisée

En revanche, si Yeon Sang-Ho a réussi à ne pas limiter le zombie à un bête animal de foire pour blockbuster, je dois reconnaître avoir été trop souvent dérangé par la gestion de l’espace et du temps dans le film. En effet, même si le décor est superbement exploité par le scénario et la caméra de Yeon Sang-Ho quasi parfaite dans ses prises de vue, de nombreux éléments “techniques” m’ont dérangé tout au long du visionnage.

C’est peut-être être tatillon, mais j’ai pour ma part eu régulièrement du mal à me sentir impliqué dans les scènes de combat tant les zombies m’ont semblé disparaître et réapparaître de manière programmée et artificielle. Autant les figurants sont parfaits dans leurs rôles (et vraiment effrayants), autant la facilité avec laquelle les personnages se tirent de certaines situations m’a laissé abasourdi. Parfois, il leur suffit de bousculer un zombie pour que celui-ci quitte l’écran et cesse sa charge… Les faux raccords sont également légion avec des zombies sur les talons des héros qui bizarrement s’éloignent (ou disparaissent) comme par magie en quelques plans, à croire qu’ils plantent leur tente dans un coin et dégustent un café pour laisser le temps aux héros de s’organiser.

Le pire exemple reste cependant dans la dernière partie du film lorsqu’un train avançant tout seul à un rythme modéré ne fait que 2m en plus de 5 minutes. Certains me diraient “oui, mais s’ils avaient tenu compte de tout cela, tout le monde serait mort en quelques secondes”, et ils auraient fort raison car, sans cette gestion artificielle du temps et de l’espace, nos héros n’auraient certainement pas vécu ces aventures et situations qui font de Dernier Train pour Busan un film aussi sympathique. Reste qu’en matière de crédibilité on aura vu mieux.

En fin de compte, là où un film comme World War Z s’était avéré un simple film pop corn assez insipide, Dernier Train pour Busan s’avère un blockbuster bien plus innovant et intéressant pour le genre que nous aimons tant. Le film n’est pas sans défauts, mais Yeon Sang-Ho s’affiche d’ores et déjà comme un réalisateur à suivre, capable de faire d’un voyage en train une aventure aussi épique que critique.

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11 commentaires

  1. Cheesecake dit :

    j’ai déjà donné mon avis sur l’article du rachat des droits…
    J’appuierai juste sur le fait que j’ai trouvé les infectés réussis (grimaces, maquillage, contorsion)…
    et un super film…

  2. icare dit :

    Très bonne surprise. Tu n’as pas suffisamment insisté Squeletor sur l’aspect émotionnel fort du film. Peut-être est-ce du à la VF probablement dégueulasse (je conseille en général toujours la VOST qui fait mieux ressortir les sentiments). Contrairement en effet à World War Z (pour reprendre ta comparaison) l’incarnation des personnages est dès le départ totalement convaincante. Dans WWZ c’est expédié en 5 minutes avec 0 crédibilité. Les acteurs ne sont pas mauvais (Brad Pitt est même plutôt bon) mais la situation initiale pêchait par son artificialité : Brad Pitt pourtant également cadre supérieur (et très souvent en voyage) jouait stupidement les pères modèles (parfaits ?). Ici, compte-tenu encore une fois du métier exercé, la relation distante de l’acteur avec sa famille s’avère beaucoup plus crédible. Ensuite, le personnage évolue ce qui n’étaigt pas le cas dans WWZ.
    Concernant l’aspect critique sociale j’ai trouvé ici un message éminemment plus subtil que dans un Snowpiercer à la lourdeur indigeste. Donc autre point positif.
    Enfin en ce qui concerne l’action et la qualité des zombies je ne r’ajoute rien de plus de ce que tu as mis. C’est globalement très bon.

  3. Coco dit :

    Excellent film, j’ai adoré, un de mes préférésn, zombies flippants et très bien réalisé, et bons acteurs ^^ !!

  4. Pepitawww dit :

    Film genial !
    World War Z avait eu l’innovation d’aborder le zombie rapide d’une manière originale.
    L’effet du déplacement en troupeau est impressionnant. La scène où la meute de zombie se heurte et finie par s’accrocher au train en marche est magnifique et terriblement troublante de bon sens.
    L’efFet de masse en mouvement commence à être étudiée, C’est super fort visuellement je trouve.
    C’est un film qui mérite son succès et ça fait vraiment plaisir à nous: amateur du genre 🙂

  5. HELIOGABALE dit :

    Un Grand film de Zombie ; si l’on fait abstraction des poncifs du genre et de quelques lenteurs, notamment sur le premier tiers, le reste du film est d’une excellente facture, les effets spéciaux réussis et l’ambiance fin du monde ramenée à l’univers quasi-clos du train rajoute à l’intérêt et au suspens. Je ne peux que conseiller ce film aux afficionados…et aux autres.

  6. fabien dit :

    j’essaie désespérément de le voir…snifff

  7. Dana Hilliot dit :

    Un pur bijou. Bon d’abord j’aime beaucoup le cinéma coréen, il y a quelque chose d’extrêmement brut dans l’expression des émotions, le traitement des questions politiques (ici, la question sociale, plus subtilement traitée que dans the snowpiercer), la psychologie des personnages, ça change de ce qu’on peut voir chez nous ou dans le cinéma aseptisé américain. Et ça reste un super film de contagion zombie, un des meilleurs en tous cas depuis Land of the Dead de Romero (là aussi parce qu’il ne se contente pas d’être un film de zombie, mais parce qu’il est aussi une métaphore de la guerre des classes poussée à son paroxysme). Une réussite.

  8. MacGivre dit :

    Pas convaincu : déjà je n’aime pas la façon dont les asiatiques interprètent les zombies, et le scénar’, il est gros comme une maison : le papa égoiste qui va sûrement changer voire se sacrifier pour sauver sa fille ; le gros costaud qui jouera le rôle de tank ; le patron qui sera le pourri…
    Mon film référence restera “L’armée des morts”.

  9. Wotan dit :

    “L’armée des morts” film référence????? Ce mauvais remake de “Zombies”, je ne savais pas que certains le prenait en référence, lol…
    J’ai plus de 200 films de zombies et l’armée des morts ne fait pas partie de mon top 10…
    Je pense que pour ma part, que pour son premier film “live”, Yeon Sang-Ho s’en tire haut la main, déchire à plate couture le très mauvais WWZ… Les personnages trop stéréotypés se fondent parfaitement dans le scénario… On y relèvera quelques invraisemblances, mais seront pardonné l’image suivante… Ce film va à 300 à l’heure du début à la fin pas le temps de dire ouf, qu’autre chose arrive… Vraiment un très bon film… A recommander à tous…

    1. Baalero dit :

      Tu déconnes !
      il est vachement bien comme film l’armée des morts, y a forcément des trucs un peu pourrave mais dans l’ensemble c’est un super film!
      Ça pourrait être pire, McGivre aurait pu te dire que scène de ménage est une série culte, par exemple…
      Sinon, pour revenir à “dernier train pour Busan”, il est pas mal et les zombies sont plutôt convainquant mais sans plus.
      C’est quoi ton top 10, mon cher Wotan ?
      Ne t’inquiète pas, je ne juge ni ne critique à l’emporte pièce. C’est juste pour voir s’il y a un film que je devrais piocher dans ta sélection, vue que tu as l’air d’être un sacré cinéphile (200 films de zombies! chapeau bas ! rentre les dans une liste ce serait sympas) Ps: répond en messge privé si tu le souhaite

  10. cheesecake dit :

    Fais profiter à tous ton top 10…
    De mon côté, j’y aurais mis haut la main l’armée des morts 🙂

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