Zombies – Sociologie des morts-vivants
L’année dernière Maxime Coulombe, un auteur Québécois, publiait Petite philosophie du Zombie et passait la figure du zombie au crible de la philosophie dans une analyse détaillée et pertinente. Cette année, c’est son compatriote Vincent Paris qui s’est lancé dans l’écriture d’un ouvrage de vulgarisation sur le mort-vivant du point de vue de la sociologie intitulé Zombies : Sociologie des morts-vivants. Vincent Paris nous invite donc au travers de son ouvrage à découvrir ce que représente la figure du zombie, pourquoi est-ce qu’il fascine tant et qu’elles seraient les conséquences sociologiques qui découleraient d’une épidémie zombie. Un programme chargé.
Dès le départ, l’auteur tente d’intéresser le lecteur en s’adressant directement à lui et en le laissant s’imaginer être victime d’une attaque zombie et se transformer petit à petit. Il en profite ainsi pour nous donner sa définition du zombie en décrivant son lecteur devenu zombie. Sa vision du zombie est assez simple et on pourrait presque la qualifier de réductrice, mais elle est suffisante pour un ouvrage de vulgarisation dont l’objectif principal n’est pas de définir mais d’analyser le zombie (on n’échappe pas malgré tout à l’éternel retour sur les soi-disant origines vaudou du zombie moderne). Cette méthode très pédagogique permet au lecteur le moins attentif de s’intéresser au propos tenu et Vincent Paris n’hésite d’ailleurs pas à faire preuve d’humour et de second degré pour alléger la lecture. En bon français, on rigolera même parfois à son encontre, notamment en apprenant qu’au Canada une tronçonneuse est une scie à chaîne mécanique.
“Cependant, et c’est là un grand avantage pour vous, vous ne ressentirez plus jamais la fatigue. Vous pourrez vous taper un nombre incroyable d’heures supplémentaires sans jamais vous plaindre ! Mais sans être payé non plus…”
Il développe ainsi dans les 4 parties que compte le livre différentes théories plutôt intéressantes et originales. Il est toutefois dommage que ces passages soient moins pédagogiques et qu’il y ait une certaine rupture de style entre les moments où il développe sa vision des choses et ceux où il est dans l’exposition de faits établis.
La seconde partie, “Les morts-vivants dans l’actualité” lui permet notamment de revenir sur le fameux Zombie de Miami et il nous démontre très clairement que cela n’a absolument rien de zombie mais témoigne simplement de la vivacité médiatique autour de ce genre de faits divers. Il nous rappelle d’ailleurs qu’en raison de ce Zombie de Miami, le CDC avait dû démentir publiquement l’existence d’une épidémie zombie et que les différentes chaînes de télé s’étaient jetées sur les faits divers traitant de cannibalisme alors même que le zombie n’est pas un cannibale, le cannibalisme étant avant tout social. Il y défend également une position très pertinente sur les Zombies Walks en rupture avec les discours habituels de nos bobos de journalistes. Comme il le soutient, les Zombies Walks sont rarement un phénomène politique et sont, au contraire, un événement intégrateur qui accepte tout le monde quelque soit ses pensées ou origines dans le seul but de créer une masse uniforme. Détrompez-vous, les Zombies Walks ne sont pas les propagatrices d’un mouvement prolétaire ou anarchiste, n’y cherchez pas d’idéologie.
Enfin dans la quatrième partie, “Popularité du phénomène”, il développe l’idée selon laquelle la société suppose des risques et des dangers avec lesquels il convient de vivre jonglant entre les notions de virtuel, réel et potentiel. Ce passage est de loin le plus intéressant et apporte une vraie dimension sociologique à l’ouvrage.
“Ces derniers récits mettent en scène des risques virtuels, comme c’est le cas pour les zombies. Cependant, contrairement aux zombies modernes, les risques de fin du monde ont un caractère traditionnel. La prophétie maya, l’Apocalypse biblique ou encore les prédictions de Nostradamus nous apparaissent aujourd’hui comme des absurdités, précisément parce qu’elles sont orchestrées de l’extérieur de la société. Cette façon de véhiculer les risques était typique d’une société traditionnelle.
Ces risques de fin des temps sont déterminés par une force incontrôlable, occulte, tout comme Zeus orchestre les risques qu’il place sur le chemin d’Ulysse. En cela, ils sont moins crédibles de nos jours parce qu’ils sont dépassés, ce qui n’est pas le cas d’un virus mort-vivant, qui est plus adapté à la société moderne. Il en reproduit la sémantique de façon beaucoup plus fidèle que l’Apocalypse biblique, ou que tous les discours associés aux courants millénaristes. C’est pour cette raison que le phénomène est fascinant et si populaire”.
Toutefois, malgré ces différentes théories bien expliquées l’ouvrage possède un certain nombre de défauts. Le plus gênant est une construction étrange et un arrangement parfois sans aucune logique des sous-parties du livre. Par exemple la fin de la première partie, “Zombies, comment survivre en territoire humain”, enchaîne sur un débat entre zombies lents et rapides, sur un Guide d’autodéfense pour morts-vivants, sur un passage sur la Zombie Research Society et finit sur la “science” zombie. Tout cela n’entretient que très peu de liens d’autant que parfois certaines parties sont vraiment inutiles comme celle sur Zombie Boy.
De plus, l’auteur a la fâcheuse tendance de mélanger sources de qualités et références à des ouvrages merdiques et sans intérêt. Il peut ainsi citer en quelques lignes les excellents : Zombie Movies: the Ultimate Guide de Glenn Kay et Theories of International Politics and Zombies de Daniel Drezner, puis parler longuement du contenu débile de Zombies for Zombies Advice and Atiquette for the Living Dead, une parodie de la collection “Pour les nuls”. D’ailleurs on a l’impression que Vincent Paris se perd un peu dans sa démonstration lorsqu’il développe des exemples qui ne semblent pas être en lien direct avec ce qu’il avance ou qui prennent beaucoup trop de lignes pour être pertinents comme lorsqu’il décrit sur plusieurs pages le dernier épisode de la saison 1 de The Walking Dead.
On regrettera enfin quelques manques de rigueur. Notamment lorsque l’auteur mentionne en introduction son exaspération devant la multiplication des guides et des “how to” et nomme son premier chapitre : “Zombies, comment survivre en territoire humain”, soit du “how to” associé à une référence à Max Brooks. On peut également mentionner le débat zombie lent/rapide et tout le passage sur la Bible, qui semble oublier que tout y est question de résurrection et non de zombies. Dans la Bible, la mort n’est qu’une pause entre deux vies, alors que pour le mort-vivant, elle est le début d’une période d’errance dans un corps sans vie.
En fin de compte, Zombies : Sociologie des morts-vivants est un ouvrage de vulgarisation très inégal oscillant entre passages convaincants et lieux communs. Il reste une lecture facile qui peut donner les premières bases d’une culture zombie aux amateurs et développer quelques rares aspects pour les initiés. A réserver donc comme introduction à des lectures plus poussées et développées sur le sujet.
Zombies – Sociologie des morts-vivants
Auteur : Vincent Paris
Editions XYZ
Nombre de pages : 180
ISBN : 978-2-89261-760-3
ISBN numérique : PDF:9782892617610 | ePub : 9782892617856
Sortie officielle : 28 mars 203
Acheter la version numérique sur Amazon
Vous pourriez aussi aimer :
« Zombies : Sociologie des morts-vivants, un nouvel essai sur les Zombies Dead Island Riptide, un nouveau trailer in-game »