The Last Survivors, Épisode 9 – Chapitre 3

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24 mois plus tôt…

La nuit était claire. Les étoiles scintillaient dans le ciel et la lune resplendissait au-dessus d”Auburn. Le pick-up blanc de Salomon roulait à allure modérée sur l’autoroute en direction de la ville. Confortablement assise sur le siège passager, Bethsabée discutait au téléphone :

—   Le resto était sympa. Un peu trop gastro pour moi mais tu connais ton père ? Il ne fait jamais les choses à moitié.

À l’autre bout du fil, Taylor répondit :

—   Ne vous pressez pas. C’est votre anniversaire de mariage après tout. La nuit est à vous.

—   Oh ! À nos âges, les nuits, on les passe bien au chaud dans notre lit !

—   Vous rentrez alors ?

—   Oui. On est en chemin. Et toi, t’es à la maison ?

—   Non. En ville avec quelques copines. C’est soirée détente autour d’un verre.

—   Pas de bêtises.

—   T’inquiète.

Elle raccrocha. Bethsabée se tourna vers son mari, concentré sur la route.

—    Ta fille veut qu’on aille faire la fête !

—   Elle comprendra quand elle aura notre âge, répondit Salomon qui semblait ailleurs.

—   Et nous, quand on avait le sien, tu t’en souviens ?

Salomon resta silencieux. Il posa son regard sur le rétroviseur intérieur. La femme à la robe blanche était assise sur la banquette arrière. Le visage du révérend blêmit subitement. Les yeux plongés dans ceux de la mystérieuse femme, il entendait à peine les mots de son épouse qui résonnaient faiblement à ses oreilles, comme des échos lointains. Il était comme hypnotisé.

—    Ecoute-moi, Salomon, dit la femme à la robe d’une voix inébranlable.

Salomon reprit tout à coup conscience et reposa les yeux sur l’asphalte.

—    Tu m’entends ! s’étonna Bethsabée en voyant son mari perdu dans ses pensées.

—    Excuse-moi, chérie. Tu disais ?

Bethsabée reprit le fil de la conversation mais Salomon reporta son attention sur le rétroviseur.

—   Un nouveau monde se met en place. Je suis ton Dieu et je t’ordonne de m’écouter.

Salomon détourna les yeux et les dirigea vers Bethsabée, vexée par son attitude. Brusquement, trois ambulances dépassèrent, sirènes hurlantes, le pick-up par la droite. Une seconde plus tard, quatre véhicules de police les suivirent à vive allure.

—    T’as vu ça ? dit Bethsabée, surprise. Il doit y avoir un accident un peu plus loin.

—    Prépare-toi, Salomon. L’apocalypse est en marche.

Agacé par les paroles de son hallucination, Salomon alluma la radio. Elle grésilla. L’homme tourna le bouton pour capter la bonne fréquence et tomba sur une voix grave qui inonda aussitôt le véhicule.

D’importantes émeutes secouent le pays depuis quelques heures. Les autorités demandent aux habitants de New-York, Washington, Boston et Chicago de ne sortir qu’en cas d’extrême urgence. Les émeutes semblent gagner du terrain et deviennent de plus en plus violentes. Personne ne sait réellement comment cette éruption de violence a commencé mais une chose est sûre…

Salomon tourna à nouveau le bouton et trouva une autre station.

Une maladie… Le mal inconnu né en Afrique quelques semaines plus tôt a pu entrer sur le territoire, selon un chercheur du Centre pour le Contrôle et la Prévention des Maladie. Rien n’est encore officiel mais il semblerait que de plus en plus de cas apparaissent sur la côte est du pays. De nombreux hôpitaux de New-York, Boston et Philadelphie ont été pris d’assaut par des malades aux étranges symptômes. Une conférence de presse doit d’ailleurs avoir lieu dans l’heure à la Maison Blanche et nous l’espérons, fera toute la lumière sur cette affaire. Quoi qu’il en soit…

Des crépitements remplacèrent brusquement la voix affolée de l’animateur. Salomon éteignit le poste. Bethsabée semblait inquiète.

—    Qu’est-ce qu’il se passe ?

—   Je ne sais pas, répondit le révérend, les mains crispées sur le volant. Mais tu connais ces journalistes. Toujours prêts à en rajouter pour faire du sensationnel.

Il jeta un bref regard dans le rétroviseur. La femme avait disparu. Il souffla alors, soulagé.

La circulation était fluide mais au bout d’un kilomètre, les feux-arrière des véhicules qui les devançaient se mirent tout à coup à s’éclairer. Le pick-up ralentit et s’arrêta derrière une berline allemande. Un embouteillage venait de se former.

***

Accoudé à la portière, Salomon perdait patience.

—    Et merde ! s’exclama-t-il en soufflant.

—   On a même pas fait deux mètres en une demi-heure, lui signifia Bethsabée. Quelque chose a dû se passer plus loin.

Elle prit son téléphone portable mais les lignes étaient toutes occupées. Elle réessaya sans succès.

—    T’arrives à appeler, toi ?

Salomon porta le sien à l’oreille mais il ne reçut, en guise de réponse, que quelques bips résonnant dans le haut-parleur à intervalle régulier. Agacé, il sortit du pick-up.

—    Tu vas où ?

—    Voir ce qu’il se passe. J’en ai marre d’attendre.

Il referma la portière et remonta l’autoroute en longeant la longue file de véhicules.

—   Hé ! lança un type dans sa direction depuis son camion. Vous pouvez appeler ? Je n’arrive à joindre personne et j’ai un coup de fil important à passer.

—   Non, répondit Salomon sans s’arrêter. Ça doit être une panne générale, je pense.

Devant lui, des voix s’élevèrent tout à coup.

—    C’est quoi ce bordel ? lança avec véhémence une femme.

—    Pourquoi on n’avance plus ? s’écria un type sur un ton accusateur.

Des barrières de sécurité coupaient l’autoroute en deux, bloquant ainsi le flot d’automobilistes. Une foule revancharde s’y était agglutinée. De l’autre côté, les forces de l’ordre tentaient de la contenir. Le révérend se fraya difficilement un chemin jusqu’aux barrières.

Devant lui, les lumières de la ville scintillaient dans la nuit. Auburn était étrangement calme. Apaisée. On n’entendait plus le va-et-vient incessant des véhicules circulant entre les immeubles. Pas de coups de klaxon. Pas de pots d’échappement explosant au premier coup d’accélérateur. Juste le calme. Un calme presque angoissant.

Salomon aperçut le shérif Cahill de l’autre côté des barrières. L’homme s’approcha de lui, un talkie-walkie dans la main.

—    Révérend !

—   C’est quoi le problème, shérif ? Ça fait plus d’une demi-heure qu’on est coincés ici.

—   Je sais. La ville est pour le moment bouclée par les autorités. Ne me demandez pas pourquoi, je n’en ai aucune idée.

—   Mais ma fille est là-bas…

—   Je suis désolé. Nous avons reçu l’ordre de ne laisser passer personne.

Des coups de feu retentirent tout à coup dans la ville, annonçant le début de quelque chose de terrible. Toutes les lumières de la ville s’éteignirent subitement, plongeant Auburn dans l’obscurité la plus totale. Un élan d’inquiétude s’empara alors de la foule. Tous se demandaient ce qu’il se passait, haussant la voix pour faire entendre leurs revendications.

Cahill porta le talkie-walkie aux lèvres tandis que les balles résonnaient :

—   Ici Unité 12… Qu’est-ce qu’il se passe ? On entend des coups de feu depuis votre position.

Aucune réponse.

—    Ici Unité 12… Répondez.

Une voix grésilla dans le haut-parleur.

—    On est attaqués…

—    Quoi ! s’étonna le shérif. Vous pouvez répéter ?

La voix crépita à nouveau.

—    Je répète… On est attaqués… Ils viennent de partout… Les civils…

Des tirs éclatèrent tout à coup dans le haut-parleur et la communication coupa brusquement, laissant place à un crépitement désagréable.

—    C’est quoi ça ! s’inquiéta Salomon.

—    Je pense que vous devriez regagner votre véhicule, lui conseilla Cahill.

Alors que les tirs avaient subitement cessé, remplacés par le silence, un type, parmi la foule, leva le bras et désigna quelque chose devant lui.

—    Hé ! Regardez !

Tous les regards se dirigèrent aussitôt vers l’obscurité. Des ombres se mouvaient dans le noir, comme des spectres ondulant sur toute la longueur de l’autoroute. C’étaient des formes indistinctes. Presque abstraites. Rapidement, elles prirent l’apparence de silhouettes. Elles grossissaient de plus en plus, s’étirant verticalement. Ces formes ridicules se rapprochaient dangereusement.

Un des adjoints du shérif fit quelques pas en avant, intrigué par ce spectacle étonnant. Brusquement, une femme s’élança hors de l’obscurité et se jeta sur lui. Surpris, l’homme chuta. La démente, planta ses canines dans son cou et le sang tapissa aussitôt le bitume. Un mouvement de panique s’empara alors de la foule et elle commença à se disperser.

La femme arracha un morceau de chair et le recracha sur la route. Elle se releva en laissant l’adjoint inerte sur le sol et se rua sur Cahill. Ce dernier sortit rapidement son arme et tira. La balle se logea dans la poitrine de la sauvage sans l’arrêter. Ses coéquipiers firent feu et criblèrent la démente de balles. Son sang gicla, recouvrit ses vêtements et elle s’effondra.

Tout à coup, des hurlements terrifiants vinrent se mêler aux cris de la foule. Les yeux du shérif s’écarquillèrent. Une horde de sauvages sortait de l’obscurité et fonçait sur eux, leurs gueules sanguinolentes grandes ouvertes. Alors que les badauds fuyaient, les policiers vidèrent leurs chargeurs sur les fous-furieux. La bataille était perdue d’avance. Ils n’étaient qu’une poignée d’hommes face à tout un bataillon.

Cahill était perdu. Il ne savait pas sur qui tirer tandis que ses coéquipiers se faisaient sauvagement attaquer. Il dirigea son regard vers l’adjoint allongé au sol ; sa poitrine se souleva brusquement. Le policier blessé se releva maladroitement et poussa un râle rocailleux. Le shérif comprit alors qu’il était devenu comme eux. Un dément.

Salomon courait parmi la foule apeurée. Les cris résonnaient douloureusement à ses oreilles. Il parvint rapidement au pick-up, pourchassé par la horde.

—    Qu’est-ce qu’il se passe ? s’écria Bethsabée.

Le révérend se précipita dans le véhicule. Il enlaça sa femme et ils s’allongèrent sur la banquette.

—    Ne fais plus aucun bruit.

À l’extérieur, c’était un champ de bataille désordonné et sanglant. Les gens criaient en essayant d’échapper aux zombies. Ces derniers sautaient sur tout ce qui bougeait. Ils faisaient tomber leurs proies et les dévoraient à même le sol, sans aucune retenue. Ils arrachaient des bras, déchiquetaient des jambes, mordaient des crânes en hurlant comme des animaux enragés. Personne ne pouvait échapper à la vague de morts-vivants qui s’était abattue sur eux.

Agrippée par les cheveux, une femme se faisait traîner au sol par un macchabée. Un homme tentait de se défaire de trois monstres qui l’avaient enveloppé et le dévoraient. Un autre, qui avait réussi à rejoindre son véhicule, essayait de faire demi-tour en poussant le 4×4 arrêté devant lui. Il parvint à sortir de la file et appuya sur le champignon. Son véhicule prit rapidement de la vitesse et il remonta l’autoroute en heurtant dans sa fuite quelques zombies se trouvant sur sa route. Au bout de quelques mètres, un de ses pneus éclata quand il percuta une femme. Il perdit le contrôle et s’encastra dans la glissière de sécurité. Le moteur prit feu et embrasa tout le véhicule sous ses hurlements.

L’attaque était fulgurante. Après avoir tout décimé sur leur passage, tel un banc de piranhas, les morts poursuivaient leur course effrénée sur l’autoroute. Leurs cris s’éloignèrent progressivement pour totalement disparaître dans la nuit. Le calme était revenu.

***

Salomon se redressa. Il jeta un œil à travers la vitre du pick-up et sortit du véhicule du côté conducteur. Bethsabée s’extirpa à son tour du pick-up. La vision d’horreur qui avait recouvert l’autoroute marqua brutalement leurs esprits. Des corps déchiquetés, démembrés et dévorés tapissaient l’asphalte. Ils s’amoncelaient sur le sol, baignant dans leur propre sang. Une fresque incohérente et absurde s’étalait sur plusieurs dizaines de mètres. C’était un tableau presque fascinant, teinté de couleurs sombres et de rouge vif. Dans leur folie meurtrière, les zombies avaient créé une Ode à la mort.

—   Seigneur tout puissant ! s’exclama avec horreur la femme. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

—   Un virus ! répondit Cahill qui apparut tout à coup, marchant dans leur direction.

Son bras gauche, ballant le long de son corps, saignait abondamment. Il tenait son arme dans la main droite.

—    Quoi ? lança Salomon, hébété. Quel genre de virus peut faire ça ?

Le shérif se posta à ses côtés.

—    Ces gens ont tous été transformés en je-ne-sais-quoi. Ils ont changé.

—    On en parlait tout à l’heure aux infos, ajouta Bethsabée.

Derrière elle, masqué par le pick-up, un corps gisait sur le sol. Les jambes brisées et le visage à moitié dévoré, il ouvrit tout à coup les yeux puis pivota la tête vers la femme. Il allongea difficilement les mains sur la route et se hissa vers elle en silence.

—   Vous savez quelque chose, shérif ! Vous êtes l’autorité ici, bon sang ! s’énerva Salomon en soufflant.

—   Notre équipe a été tenue à l’écart. Je n’en sais pas plus que vous.

Le cadavre parvint aux chevilles de Bethsabée, ouvrit sa gueule et planta les dents dans son mollet. La femme hurla de douleur. Salomon et Cahill firent précipitamment le tour du pick-up. Le visage du shérif s’assombrit subitement en voyant la blessure. Il leva son arme et la pointa vers le monstre. Une balle dans le front le fit lâcher prise. Il retourna ensuite le pistolet vers Bethsabée et l’abattit comme un animal malade.

Salomon accourut vers son épouse et la rattrapa avant qu’elle ne s’effondre. Il s’agenouilla et la posa délicatement sur le sol.

—    Pourquoi ?

—    Elle allait devenir comme eux ! s’écria Cahill d’une voix tremblante.

Salomon pleura à chaude larme. Un profond sentiment de tristesse et de désespoir avait envahi son corps. Il leva la tête vers le shérif et une immense colère s’empara de lui. Sa bouche se tordit en une grimace menaçante. Il aperçut la femme à la robe, immobile derrière Cahill.

—    Cet homme est un infidèle, Salomon. Venge-toi. Laisse éclater ta colère.

L’homme se redressa en gonflant la poitrine, la respiration haletante. Il posa ses grands yeux noirs sur le shérif qui comprit aussitôt.

—    Je devais le faire.

Sans un mot, le révérend se jeta sur lui. Cahill pressa la détente de son arme. Un léger cliquetis retentit. Le chargeur était vide. Salomon poussa l’homme. Ce dernier heurta le pick-up et tomba au sol. Le shérif reçut alors un violent coup de pied au visage et se tordit de douleur. Un autre, à l’arrière du crâne, le fit perdre connaissance. Salomon continua de le frapper jusqu’à ce que la tête de Cahill soit devenue une bouillie immonde. Sa cervelle était éparpillée sur le bitume. Le révérend déglutit en prenant conscience de son acte. Il se prit la tête entre les mains et hurla.


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