Les anthologies zombies ne sont pas ce qui manque aux États-Unis – Panini Books en a d’ailleurs traduite une très réussie récemment – à la différence de la France, où elles sont beaucoup plus rares. Alors, quand Emmanuel Beiramar a réuni des auteurs francophones pour nous offrir un recueil de nouvelles zombies sous le titre de Zombies et autres infectés, nous avons accueilli l’annonce avec plaisir. Mais ce plaisir s’est-il retrouvé lors de la lecture ?
Avec sa belle couverture illustrée par l’artiste Zariel, l’anthologie est, à l’image des profils de ses auteurs (écrivain, ingénieur, étudiant…), constituée de 17 nouvelles toutes très différentes les unes des autres. Malheureusement, à la lecture, nous nous rendons rapidement compte qu’elle sont surtout assez inégales. Certaines vous tiendront ainsi en haleine alors que d’autres seront rapidement oubliées.
En laissant de côtés les nouvelles complètement ratées (Mille Canines, Catharsis 2.0), le premier reproche que nous pouvons faire à un certain nombre de textes est de nous offrir des chutes faciles ou tout simplement ratées. Par exemple, alors qu’Accro accapare rapidement l’intérêt du lecteur en dressant le portrait complexe d’une femme incapable de s’empêcher de tuer des zombies, au point de prendre part à des réunions des “tueurs de zombies anonymes”, une chute un peu trop simple vient gâcher l’ensemble. Mais cette chute reste malgré tout bien plus intéressante que celle d’autres nouvelles comme L’étiquette qui se contente finalement d’effleurer le sujet de l’intégration des zombies dans la société au travers de son personnage d’employé de bureau zombie.
D’autres, qui ont fait le pari de l’originalité (nous sentons d’ailleurs à quel point Emmanuel Beiramar a essayé de proposer des œuvres singulières) se sont tout simplement vautrées dans la surenchère avec des approches peu convaincantes. C’est par exemple le cas de De Mortuis où nous découvrons les échanges de lettres entre Machiavel et ses correspondants alors qu’il assiste au réveil des morts ou encore Fabien Clavel (qui nous avait pourtant offert deux bons livres de zombies avec Métro Z et L’évangile Cannibale) et son maladroit Du débriefing zombiesque en 7 étapes où nous suivons un groupe de médecins tentant d’appliquer ce fameux débriefing (une simple série d’échanges peu passionnants avec un zombie enchaîné).
Enfin, certaines nouvelles ont du mal à emporter le lecteur, la faute peut-être à des types de zombies pas toujours très intéressants. Dans le cas de Chaney, nous nous retrouvons ainsi avec une banale histoire de morts-vivants – une ancienne troupe de théâtre – qui s’immiscent dans la vie du héros, un jeune garçon battu, en l’aidant à se débarrasser de son violent beau-père. C’est gentil mais met finalement de côté les thématiques intéressantes que le genre zombie permet habituellement d’aborder.
Extrait de Darach : “Les nuées furent les hérauts du massacre. Elles se heurtèrent aux vitres des maisons, bourdonnant inlassablement. Un véritable nuage pestilentiel s’abattit sur la ville. Chaque parcelle de lumière fut noyée sous les corps noirâtres et chitineux. Les morts arrivèrent à leur suite, plus vifs qu’à l’accoutumée. Certains portaient encore leurs habits de vivants, grignotés ici et là par leurs compagnons grouillants. Leurs mâchoires vomissaient des torrents de vers. Leurs yeux luisants, vides d’émotions, semblaient appeler le néant.”
Heureusement, la majorité des nouvelles reste toutefois réussie et Zombies et autres infectés compte même son lot de pépites. L’ouvrage contient ainsi pas mal d’écrits assez classiques mais qui parviendront sans mal à séduire autant fans que néophytes de la culture zombie comme Un beau mariage, Freaks ou le sympathique Moi, zombie de Jean-Pierre Andrévon à qui nous devions déjà Un Horizon de Cendres.
Mais c’est l’originalité qui caractérise malgré tout les meilleures nouvelles. L’un des meilleurs exemples est Le Jugement qui nous présente de manière vraiment réussie le procès entre un zombie et sa fratrie au sujet de l’héritage familial. L’auteur s’amuse ainsi avec ce qui est et serait, un vide juridique, concernant la nature des morts-vivants. Ont-ils le droit d’hériter et ce, surtout s’ils ont eux-mêmes dévorer leurs parents ? Avec ces thématiques et ces approches originales, Zombies et autres infectés propose donc des nouvelles pour tous les goûts !
Toutefois, trois nouvelles sortent du lot selon moi. D’abord Jusqu’à ce que la mort, dont je ne peux malheureusement pas dire grand chose au risque de vous spoiler mais je vous promets un personnage auquel vous ne vous attendiez pas. Ensuite, Outlaws qui prouve que l’originalité ne vient pas forcément des zombies eux-mêmes mais plutôt de la situation dans laquelle nous les retrouvons. Nous y suivons en effet un groupe de zombies condamnés à être les figurants dispensables d’un spectacle de cow-boy et qui, vous vous en doutez, cherche un moyen de retrouver sa liberté. C’est vraiment sympa.
Enfin, mon coup de cœur de l’ouvrage mais également l’une des dernières nouvelles : Darach. Valentin Vergès, avec une superbe plume et des descriptions intenses, nous présente parmi les zombies les plus répugnants et effrayants qui aient été engendrés, fruits démoniaques d’une forêt maudite. Dans Darach, l’esprit d’une forêt décide de réveiller les morts et de convier toutes ses créatures pour reprendre aux humains ce qu’ils lui ont volé. Préparez-vous à en prendre plein les yeux.
En fin de compte, difficile de recommander Zombies et autres infectés tant certaines nouvelles sont décevantes mais le déconseiller serait injuste certains écrits valant réellement le coup d’œil. Nous ne pouvons du coup, si vous êtes friand de nouvelles, que vous inviter à vous faire votre propre opinion.
3 commentaires
Acheté et lu. Un peU cher par rapport au contenu. Déçu…
L’éditeur est à l’origine d’une belle initiative. Pour ceux qui souhaitent se faire une idée du style et du contenu, vous pouvez lire le début de chaque nouvelle en cliquant sur le lien ci-dessous :
http://catalog.griffedencre.fr/pub/zombies_extraits.pdf
Un des auteurs de l’anthologie.
Merci pour ce partage !