Épisode 26 – Le corps coupé en deux
Assis sur une balancelle sous la véranda, son fusil M16 posé à ses côtés, le type qui gardait l’entrée de la maison fouillait dans les poches de son pantalon à la recherche de son paquet de cigarettes. Ne les trouvant pas, il se leva surpris et palpa les poches arrière en vain.
— Et merde ! grommela-t-il entre ses dents.
Il regarda autour de lui, sur le sol, sur la balancelle, rien. Le paquet avait disparu.
— L’enfoiré ! lâcha-t-il en pensant alors à son complice.
Le bougre lui avait demandé une cigarette un peu plus tôt dans la soirée et avait gardé le paquet avec lui. L’homme prit alors son fusil et fit le tour de la maison avec la ferme intention de récupérer son bien. Il était hors de question de le lui laisser. Les cigarettes étaient de plus en plus rares dans ce nouveau monde et donc de plus en plus difficiles à trouver. Elles valaient de l’or.
Le regard sombre, le type parvint à l’arrière de la maison et s’immobilisa étonné face à la porte de la cuisine. Son acolyte n’était pas à son poste. Si Caïn avait été là, il lui aurait fait passer un sale quart d’heure.
— Putain, t’es là ? Caïn va te tomber dessus, mec !
Des nuages sombres avaient recouvert le ciel. Le quartier était plongé dans l’obscurité. Inquiet, l’homme actionna la lampe de son arme et balaya la zone.
De petits bruits semblables à des clappements attirèrent tout à coup son attention. L’homme braqua le faisceau lumineux vers le fond du jardinet et distingua une forme allongée sur le sol. Il fit un pas en avant, le cœur serré, puis deux, et découvrit l’horreur. Le gars qui lui avait piqué le paquet de cigarettes se faisait dévorer par un zombie coupé en deux au niveau de la taille.
Horrifié, l’homme visa la vile créature et enfonça la gâchette mais rien ne se produisit. Pire, le cliquetis qui s’échappa du canon attira l’attention du monstre. Ce dernier se retourna aussitôt et lâcha un râle étouffé dans sa direction. Le dessert était servi.
Le macchabée se détourna de son repas et avança maladroitement vers l’homme en se servant de ses bras comme de deux béquilles. Ils portaient son corps putride qui chancelait à chaque pas.
Le type recula en essayant de tirer mais le fusil ne fonctionnait pas. Il cliquetait. Quel abruti – pensa-t-il à haute voix. La sécurité était mise. Il tenta alors de la désactiver, en vain. Il essaya de pousser le bouton mais il semblait bloqué. Son doigt glissait à chaque fois. Le monstre n’était plus qu’à quelques mètres de lui. Il avait la gueule grande ouverte, une substance visqueuse noirâtre s’échappant de sa bouche.
En reculant, le pied de l’homme heurta une marche de la véranda et il trébucha. Sa tête frappa violemment le sol. Arrivée face à lui, la créature se laissa tomber sur ses jambes et se hissa avec difficulté en tirant sur le pantalon de sa proie.
L’homme était sonné. Il reprenait doucement ses esprits. Il ouvrit lentement les yeux et se retrouva nez à nez avec le zombie coupé en deux. Le mort s’apprêtait à refermer sa mâchoire fétide sur son visage quand Caïn poussa brusquement la porte de la cuisine. Il bondit à l’extérieur et asséna un violent coup de crosse au macchabée. Ce dernier lâcha prise et roula au sol. Sans attendre, le chef du groupe se posta au-dessus du monstre et lui mit une balle en pleine tête.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il en fixant la créature avec dégoût.
— Il s’est fait avoir… bredouilla le soldat encore sous le choc.
Il montra du doigt son acolyte qui gisait au fond du jardinet. Caïn se retourna vers le corps inerte.
— Retourne à ton poste. Je m’en occupe.
L’homme se releva difficilement et s’exécuta, sans même avoir récupéré son paquet de cigarettes.
Caïn s’approcha discrètement du corps. Le soldat n’avait plus de visage. Le zombie coupé en deux le lui avait dévoré et l’avait rongé jusqu’à l’os. Des morceaux de chair baignaient dans une mare de sang autour de la tête. L’oreille gauche pendait encore sur son orifice par un bout de peau. Le zombie s’était acharné sur le visage du pauvre homme, laissant le reste du corps comme s’il n’avait pas été à son goût.
Caïn fixait le cadavre avec écœurement. Il détestait les zombies. Il en avait même peur. Il n’aurait jamais pensé avoir aussi peur de quelque chose. Il pouvait tout supporter, tout endurer mais la vision d’un mort qui imitait le comportement humain lui donnait la chair de poule.
Le soldat ouvrit subitement les yeux. Ils étaient devenus vitreux. Dans un dernier élan de survie, le cadavre essayait de retrouver son souffle mais il n’y parvint pas. Il poussa alors un grognement étranglé comme s’il avait compris l’état dans lequel il se trouvait. Il tenta ensuite de se redresser mais Caïn posa un pied sur sa poitrine pour le maintenir au sol. L’homme inséra ensuite le canon de son arme dans sa gueule. Il était sur le point de tirer quand il croisa le regard éteint de la créature. Elle fixait son assaillant avec insistance.
Un frisson parcourut le corps de Caïn et ses poils se hérissèrent sur ses bras. Il avait l’impression que le cadavre le reconnaissait, comme si des brides de son passé avaient traversé son cerveau ramolli. Le mort ne bougeait pas, il ne se débattait pas. Il inclinait lentement la tête sur le côté, comme un chien blessé qui demandait de l’aide. Horrifié par cette vision, Caïn pressa la détente, mettant ainsi fin aux souffrances du soldat.
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