La sortie française de Feed, vendredi prochain (26 octobre), le premier volume de la trilogie Newsflesh de Mira Grant, nous prouve deux choses. D’abord que Bragelonne ne se contente pas de publier sous la dénomination de zombie des romances à l’eau de rose entre vivants et morts-vivants. Ensuite, qu’en matière de roman zombie, il est encore possible de proposer des choses originales à ses lecteurs.
L’action de Feed se déroule plus de 20 ans après la première épidémie zombie qui a coûté la vie à des millions de personnes en 2014. Nés après l’apocalypse, Shaun et Georgia ne connaissent de l’ancien monde que ce qu’il en reste et considèrent qu’un univers dans lequel les morts attaquent les vivants est tout à fait normal. Ces deux frères et soeurs inséparables, incapables de dormir dans des pièces éloignées, créent alors un blog, After the end times, et parcourent les États-unis dans leur van, entre zones de civilisation bien gardées et no man’s land infestés de zombies, afin de véhiculer l’information. Alors que leur blog gagne en influence sur la toile, Ils sont un jour sélectionnés, avec leur technicienne Buffy, pour suivre la campagne présidentielle du sénateur Ryman. La fréquentation de leur blog explose alors mais ils sont loin de se douter que suivre cette campagne n’est pas sans danger pour leur vie.
Comme le laisse transparaître le pitch, le premier point fort de Feed est l’originalité et le réalisme du contexte dans lequel évoluent nos deux héros. En effet, si l’on jette un oeil à la littérature zombie des dernières années, on se rend compte que les auteurs se limitent en grande majorité à l’apparition des premiers zombies et aux conséquences directes que cela entraîne. Il est ainsi bien rare de lire un livre dans lequel la première épidémie a eu lieu des années auparavant et dans lequel la civilisation s’est reconstruite. Mira Grant nous dépeint ainsi, un monde divisé en zones dans lesquelles il est plus moins dangereux voire impossible de se rendre, où les hommes doivent sans arrêt passer des contrôles sanguins afin de vérifier leur niveau d’infection, où chacun vit dans la peur de se confronter à l’une des nombreuses apparitions zombies qui se déroulent chaque jour et où le CDC a acquis une importance majeure et n’hésite pas à appliquer la force à la moindre occasion. Le travail de l’auteur pour rendre son livre réaliste est d’ailleurs très important si bien qu’on ne remet jamais en question les situations dans lesquelles nos héros se retrouvent.
A ce titre, Mira Grant a expliqué que ce qui l’intéressait dans la création d’un univers post-zombie ce n’était pas la peur mais la terreur, à proprement parler. Pour elle, “La peur vous dit ‘ne mets pas la main dans la gueule de l’alligator’ tandis que la terreur vous dit ‘ne te rends surtout pas en Floride car il y a des alligators’ “.
C’est en appliquant cette distinction à la lettre, qu’elle parvient à nous embarquer dans ce monde angoissant si différent du notre où la civilisation s’est tant bien que mal reconstruite et où la politique a encore sa place. Mira Grant dresse alors le portrait d’une campagne présidentielle post-apocalypique avec ses meetings où les participants se comptent sur les doigts de la main tant les citoyens ont peur d’être infectés. On se rend alors compte que Mira Grant a certainement voulu montrer à ses lecteurs ce à quoi ressemblerait un monde qui se laisserait soumettre par la peur de l’infection et du terrorisme. Un monde vide, où les liens humains se résumeraient à des échanges numériques, où l’immobilisme prédominerait pour une majeure partie des Hommes et où certains n’hésiteraient pas à ce servir des zombies comme des armes biologiques. De la même manière, on se rend compte que la force la plus influente des médias est incarnée par deux jeunes bloggeurs. Car dans un monde où les gens ont peur de sortir de chez eux, les bloggueurs qui osent parcourir les terres ravagées des États-Unis, sont devenus des vedette de l’information. On est alors comme dépaysé et on ne peut qu’apprécier, avec une tension permanente, de suivre nos deux héros dans leurs aventures.
A ce titre, les personnages constituent le second point fort de Feed. Mira Grant ne se contente pas de nous faire apprécier ses héros mais travaille à rendre de nombreux personnages secondaires tout aussi attachants. On ne peut alors pas s’arracher à la lecture, tant on désire savoir comment ils vont bien pouvoir se sortir des machinations auxquelles ils sont confrontés alors que les jalousies politiques tournent au bio-terrorisme et que les trahisons se multiplient dans leur camps, l’humanité serait-elle pourrie ? Par ailleurs, Mira Grant a pris soin de parsemer son roman de scènes émouvantes mais sans jamais tomber dans un pathos vomitif ce qui contribue à accroître d’avantage notre attachement à ses personnages.
Enfin, le seul reproche que l’on pourrait faire à Feed, c’est de ne pas avoir proposé une histoire aussi originale que l’univers dans lequel elle se déroule. Les revirements ne sont pas très nombreux et jamais surprenants.
Malgré tout, Feed reste une très bonne surprise. Son univers futuriste et oppressant ne pourra que ravir les personnes à la recherche d’un peu de nouveauté dans le genre zombie tandis que ses personnages finiront de vous convaincre de vous laisser aller à l’expérience Feed.
Feed (Tome 1 trilogie Newsflesh)
de Mira Grant
Édition Bragelonne
Sortie le 26 octobre 2012
Broché : 456 pages
ISBN : 9782352946052
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