En France, il n’est pas un projet de film de genre qui n’attise pas la critique et ne nous ramène pas à l’inlassable rengaine : le cinéma français de genre est mort. Alors, quand Benjamin Rocher et Thierry Poiraud, qui signent chacun l’une des deux parties, ou plus précisément l’une des mi-temps, de Goal of the Dead, ont décidé de mutualiser leurs effort pour tourner un film de zombies se passant dans le milieu du foot, les plus fatalistes d’entre nous l’ont laissé savoir sans hésiter : ils n’y croyaient pas. Pourtant, les deux réalisateurs, soutenus par une équipe impliquée, ont réussi à convaincre certains internautes d’apporter leur pierre à l’édifice, ont pu compter sur de nombreux figurants et ont finalement dévoilé le 27 février 2014 leurs réalisations au public français pour la première fois. Et à la vue du produit fini, je suis convaincu que plus d’un regrettera de ne pas avoir investi dans le projet et que les râleurs invétérés – les vrais, les beaux français – s’en voudront de ne pas y avoir cru.
Il est vrai que les critiques à la gâchette facile avaient des cartouches en leur faveur. La Horde, que Benjamin Rocher avait réalisé aux côtés de Yannick Dahan, était, en matière de film de zombies, une belle plantade et les comédies footbalistiques avaient toujours eu du mal à décoller, n’en déplaise aux fans de notre Alain Chabat national dans Didier, ou aux amateurs de cinéma asiatique avec Shaolin Soccer entre autres.
Mais qu’importe. Il a suffi aux deux réalisateurs de savoir s’entourer des bonnes personnes (acteurs et scénaristes comme Tristan Schulmann), en somme de réunir les bons ingrédients, pour nous dévoiler une recette somptueuse de comédie horrifique à la française. Et soyez rassurés, ici, pas de tour, ni de flics ou de gangsters.
C’est le match de leur vie. Les petits poucets de Caplongue ont la chance de rencontrer les parisiens en 32ème de finale de la coupe de France. Les stars du club de la capitale, emmenées par leur jeune vedette Idriss Diago (Ahmed Sylla), sont ainsi en route pour le petit village de Caplongue, convaincues de leur supériorité malgré une très mauvaise saison. Mais l’ambiance n’est pas au beau fixe. Samuel Lorit (Alban Lenoir), l’un des vétérans de l’équipe et ancien attaquant phare de celle de Caplongue, qui a quitté son village natal pour la vie parisienne, la gloire et le succès avec son équipe, signe son grand retour parmi les siens. Entre doutes et émotions, il prend conscience que les caplonguais lui vouent une terrible haine depuis son départ du village. Mais il y a bien pire que des supporters énervés et rancuniers. Il y a des supporters transformés en zombies prêts à vous mettre en pièce. Le coup de sifflet du match a à peine retenti, l’apocalypse a déjà commencé : les masques vont tomber mais pas que…
Nous reprochons souvent aux films de genre français de se prendre un peu trop sérieux. Pourtant, c’est notamment là que Goal of the Dead fait la différence. Malgré la portée très politico-sportive de la thématique du football, nous nous rendons compte très vite que le long-métrage n’a pas réellement pour ambition de dénoncer quoi que ce soit. Certes les sujets principaux qui rythment le milieu du football – les dérives des joueurs, le rôle de l’argent, la déshumanisation du joueur – sont présents et abordés mais cela est fait de manière bien équilibrée et surtout avec un vrai sens de la dérision et une irrévérence cinglante assumés. Les footballeurs sont ainsi montrés comme de vrais salops sans gênes, toujours à la recherche de reconnaissance, ou bien comme des lâches superficiels alors que les managers sont décris comme des pourris ne vivant que pour l’argent ou au contraire comme des hommes vibrant encore pour les valeurs sportives. Nous pourrions alors craindre de tomber dans la caricature ; mais non. Les performances fantastiques des acteurs et la justesse des dialogues permettent toujours de s’en tenir au rang de personnages simplement décalés. Et c’est une vraie réussite.
Que ce soit les rôles masculins ou féminins ou bien les premiers ou seconds rôles, la galerie de personnages qui nous est présentée est extrêmement riche, à la fois folle et touchante. Alban Lenoir incarne ainsi avec perfection le personnage de Samuel Lorit, ce joueur à la fois pourri par le monde dans lequel il vit, croyant que tout est acquis, mais également brisé par la réaction des habitants de son village natal. Le duo Patrick Ligardes–Bruno Salomone, l’entraîneur de l’équipe vs l’agent sportif pourri, fonctionne également à merveille grâce aux performances des deux acteurs qui donnent réellement vie à leurs personnages. Mais c’est celle d’Ahmed Sylla, ce grand échalas noir bourré de talent, qui nous a particulièrement marqué. Nous le savions extrêmement bon comique mais une fois encore, son charme inexplicable, parvient à nous faire rire sans même une réplique. Ses gestes et mimiques sont bien souvent suffisants pour faire apparaître un grand sourire sur le visage du spectateur.
Mais l’humour est loin de se limiter à Ahmed Sylla puisque, au travers de leur côté décalé, tous les personnages du film, que ce soit l’agent de police du village, la jeune Cléo, ou encore les excellents hooligans du bled, enchaînent les répliques et scènes absurdes réussies. Nous le savons bien, l’humour est une question de dosage ; un savant dosage difficile à maîtriser. Pourtant, Goal of the Dead révèle une alchimie remarquable et délivre les gags juste au bon moment. Évidemment ils ne vous feront pas tous vous rouler par terre mais Goal of the Dead est le genre de film qui vous file la banane, et pas qu’un peu.
Mais ce n’est pas tout puisque visuellement Goal of the Dead est d’excellente facture. S’il est vrai que, entrainé dans l’action, j’ai eu du mal à percevoir distinctement les différentes personnalités des deux réalisateurs entre les deux mi-temps, il faut dire qu’elles sont toutes deux admirablement filmées avec une image propre et magnifiée par de nombreux plans très travaillés. Même l’usage répété des ralentis ne se résume pas pour une fois à une pitrerie technique pour amuser la galerie mais s’avère un tour de maître, renforcé par des effets spéciaux réussis. C’est d’ailleurs l’un des points, avec le soin incroyable apporté aux décors, qui font du film ce qu’il est : un long-métrage gore, drôle et entraînant.
Les zombies, de vrais enragés, sont également très sympas. Avec un mode de contamination “à-la-troma” (des jets de vomis blanc répugnants), ils offrent des scènes absurdes, bourrées d’action et sont même utilisés pour ce qui, selon moi, fait partie des meilleurs kills de zombies de tous les temps. Nous avions déjà Shaun avec ses vinyles, mais après Goal of the Dead, vous ne verrez plus jamais une porte de voiture ou un tabouret de la même manière.
Goal of the Dead est donc la preuve qu’il ne faut pas se laisser aller à la fatalité et à la critique facile du cinéma de genre français. Signant chacun leur second long-métrage, Benjamin Rocher et Thierry Poiraud nous livrent en ce début d’année un film drôle, punchy et touchant qui, j’en suis persuadé, contribuera à réconcilier le public français avec son cinéma de genre.
Le chemin à parcourir reste encore long mais Goal of the Dead vient d’ouvrir une porte qui n’est pas prête, je l’espère, de se refermer. Il ne vous reste donc plus qu’à soutenir cette initiative en vous précipitant dans les quelques salles de province qui le joueront prochainement ou à vous jeter sur le DVD à sa sortie en juin. Vous ne le regretterez pas !
9 commentaires
Hum moi j avais bien aimé la horde. Pas le film de Z du siecle mais pas mauvais je trouve. La par contre foot et zombie…..j ai du mal à imaginer. A voir avant de critiquer ^^
Pareil, j’ai bien aimé la Horde, je trouve que c’est un bon film de genre! Et j’ai bien envie de voir celui-ci aussi !
le premier vrai bon film Z???
made in France!!
De mon côté, je n’avais pas du tout accroché à “la horde”… à part l’ancien d’indochine qui faisait bien son boulot d’acteur…
La B.A. de Goal of the dead me fait bien envie…
Je viens de le matter, j’ai trouvé ça vraiment faible. Le découpage en 2 parties est inutile et rallonge le visionnage (deux génériques au milieu, plus un résumé, c’est pas bon pour le rythme). La premiére partie est longue et sans intérêt. Par contre on note de suite qu’on change de réalisateur et la seconde partie est mieux réalisé. Benjamin Rocher qui s’occupe de la premiére mérite un carton rouge et une coupe drastique de sa partie pour passer d’une heure à 15 minutes largement suffisantes. La seconde partie est plus dynamiques mais le tout est tellement convenu. Tout est basé sur la guignolerie et les mises à mort, le probléme étant que j’ai passé une heure à somnoler et je n’avais plus de patience pour voir quelque chose déjà vu et revu.
Et puis le fond du film est vraiment ridicule, surtout le coté campagne franchouillard éculé. Le film se base sur des clichés d’il y a 30 ans. Pourtant, c’est facile de faire de l’humour sur la province, mais la province d’aujourd’hui.
Pour finir, comme d’hab je trouve que les fans dit “de genre” se complaise dans une sorte d’état victimaire. Attendant le messie à chaque sortie et oubliant totalement tout regard critique. Ce n’est pas parceque c’est “indé” que c’est bien. Ce qu’on attend d’un film “hors circuit” c’est de la folie, de l’innovation, des prises de risques, mais pas de faire du mainstream au rabais.
Entièrement d’accord. Et puis le personnage principal est tellement antipathique qu’aucune identification ne me semble possible.
Je viens de voir le film et que dire si ce n’est mon indignation face à cette production, d’une inutilité affligeante. Tout dans ce film est une caricature: les personnages (le jeune espoir qui se la pète, les redneck débiles, le flic “je suis la loi”, la journaliste naive, l’agent, l’entraineur….et j’en passe. Si on devait matter un film sur ce qu’il ne faut pas faire, goal of the dead serait un chef d’oeuvre. Même le village est une caricature! Je me croyais franchement dans un village pauvre en Ukraine profonde. Et que dire des redneck qui sont vêtu et se comporte comme des personnages du ciné italien des années 70/80. Les réals nous décrivent une france sale, vieille, débile et vivant dans le passé (à en voir la cabine téléphonique..)
Un film vraiment décevant en tout point. Quelque scène néanmoins ont réussi à me décrocher un sourire. Mention spéciale à Bruno Salomone qui se la joue “prêtre kung-fu de Braindead” l’espace d’un instant.
Bref, j’ai vraiment eu du mal à aller jusqu’au bout. Dommage. C’est pas avec ce film que notre cinéma de genre sortira le tête de l’eau!
je viens de voir ça, ça m’a bien plu, ça ne pète pas plus haut que son derrière et c’est drôle. Mention spéciale, en effet,à Ahmed Sylla pour son interview dans le car et sa danse.