En 2013, nous avions pu découvrir un nombre assez incroyable d’essais sur la figure du zombie. 2014 aura donc, sans surprise, été un peu moins généreux avec seulement les sorties d’Angles Morts et de George A. Romero et les zombies. Mais ce ralentissement du rythme de publication n’est cependant pas synonyme d’une perte d’intérêt des universitaires et autres chercheurs pour le zombie puisque, dès le 14 janvier 2015, nous pourrons découvrir Zombie, une fable anthropologique (qui était annoncé pour décembre 2014 au départ).
C’est à Barbara Le Maître, qui enseigne à l’université Sorbonne Nouvelle Paris 3, spécialiste du cinéma, que nous devrons donc cette nouvelle analyse de la figure du zombie qui est présentée de la sorte :
“Cet ouvrage propose une lecture esthétique du zombie au cinéma. Hypothèse : ce motif est un instrument de refonte pour la plupart des représentations – tous savoirs, images et imaginaires entrelacés – à partir desquelles l’homme a fondamentalement trouvé à être pensé, jaugé ou mesuré, bref, construit. De là, sans doute, sa force anthropologique. Parmi d’autres toujours possibles, quatre pistes sont ici privilégiées, qui dressent autant de “trames” constitutives du motif filmique, en d’autres termes, autant de sources théoriques ou figuratives commuées en substrats de composition. La voie de l’écorché est suivie en premier lieu, Romero (et consorts) renouant sans conteste avec l’iconographie anatomique du XVIe siècle (celle de Vésale, exemplairement). Cependant, glissant entre les médiums, l’écorché quitte la description anatomique au bénéfice d’une fiction anatomique (elle-même inscrite sur fond de scène utopique, au sens strict : Thomas More, Louis Marin). Or, une telle fiction d’affranchissement du corps vis-à-vis de la loi des organes n’est pas sans précédent : Gilles Deleuze et Félix Guattari en ont esquissé le principe par le biais du concept de corps sans organes ; dans ce contexte, on entreprend de montrer comment le motif du zombie permet de (re)spécifier le concept, c’est-à-dire, de faire valoir ce qu’il apporte au concept – rien de moins. Une troisième piste fondamentale au regard de la pensée de l’homme, depuis Descartes, Vaucanson ou La Mettrie notamment, est celle de l’automate dont le zombie associe, en l’occurrence, les versants mécanique et psychique. Afin de ressaisir un tel agencement, il faut se pencher sur ce qui lie les oeuvres de Jacques Vaucanson et de Jean-Martin Charcot, en imaginant qu’un même rêve – par-delà la dissemblance de leurs projets respectifs – circule entre le fabricant d’automates et le médecin de la Salpêtrière. Enfin, le dernier chemin emprunté est celui des Vanités. Car non seulement le cadavre hurlant jeté à la face du spectateur crie “memento mori”, mais en outre, la figuration du zombie compose volontiers avec le crâne (ou autre élément squelettique), la bougie, l’horloge, le coquillage, l’instrument de musique… et jusqu’à l’aliment pourri… “
Avec un tel programme, ce nouvel ouvrage de Barbara Le Maître, après Entre film et photographie Essai sur l’empreinte, ne sera donc probablement pas à mettre entre toutes les mains mais le lecteur averti et déjà connaisseur du zombie pourrait bien voir sa lanterne éclairée de quelques nouvelles lueurs morbides.
2 commentaires
*“Cet ouvrage propose[..]et jusqu’à l’aliment pourri… “
Ouille, ca pique les cheveux… Dur, dur comme lecture….
Les zombies vous chatouillent ? La prose de Barbara Le Maitre vous gratouille ? Venez en discuter avec elle le lundi 23 mars prochain à la librairie Palimpseste, 16, rue de Santeuil 75005 Paris. Elle présentera son livre et ne manquera pas d’en dédicacer à tous ceux qui le souhaitent.