Épisode 27 – Le béret vert
La jeune femme au béret vert referma la porte au nez du lion qui fonçait sur elle et se retourna vers Henry. L’homme haletait, heureux d’avoir échappé à une bande de fauves sauvages.
— Pose ton arme ! s’écria-t-elle en braquant son fusil vers Henry, le regard sombre.
— Écoute. Je veux juste sortir de ce merdier.
— Ferme-la et pose ton arme !
Henry posait lentement le fusil subtilisé un peu plus tôt quand il reçut un violent coup de crosse sur le crâne. Il s’écroula.
Ancienne Marines, élancée et sportive, la jeune femme n’avait pas plus de vingt-cinq ans. Elle portait un béret vert, un tee-shirt blanc crasseux qui moulait parfaitement ses formes généreuses, un pantalon de camouflage kaki et des rangers usagers. Son visage était fin et pâle, et son regard reflétait l’antipathie. Elle posa le canon de son arme sur le front d’Henry qui s’était agenouillé, sonné.
— Où est-il ?
— Bordel… Qu’est-ce que vous avez tous avec lui ?
— Conduis-moi à lui !
Agacé, Henry balaya l’arme de la jeune femme d’un revers de la main et se redressa aussitôt. Le fusil glissa au sol. Surpris, le béret vert recula.
— Si tu veux jouer à ça ! lâcha-t-elle en se mettant en position d’attaque, jambes écartées et poings serrés. Je vais te foutre une raclée !
— Je ne veux pas me battre.
— Tu vas en prendre pour ton grade !
La jeune femme fit un pas rapide en avant telle une boxeuse professionnelle et frappa Henry au visage. Un second coup et il saigna du nez.
— Putain ! grommela l’homme.
Furieux, il serra le cou de son assaillante et la plaqua violemment contre le mur mais l’ancienne membre des forces spéciales savait se battre. Elle lui donna un coup de tête. Puis deux. Henry était sonné mais ne lâchait pas prise. Alors, la jeune femme leva la jambe, la posa sur le bras de son adversaire et, en une prise de judo qu’elle avait apprise étant jeune, le fit basculer avec virulence. Ils se retrouvèrent au sol en une fraction de seconde.
Henry n’avait rien compris. Il reprenait ses esprits mais il était pris au piège. Allongée sur son bras, les pieds posés sur son visage, le béret vert tirait sur son poignet. L’homme grimaçait de douleur. Il avait l’impression que son bras allait se détacher de son corps.
— C’est bon ! C’est bon !
— Dis-moi où il est ?
— Dans une remise, un peu plus loin. Il attend.
La jeune femme tira plus fort.
— C’est la vérité ! vociféra Henry, soumis.
Convaincue, la femme lâcha prise et se releva presque aussitôt. Elle ramassa son fusil ainsi que celui de son adversaire et le pointa dans sa direction. Henry se redressa avec difficulté. Il avait un mal de chien. Son bras le faisait souffrir.
— Putain ! Où tu as appris à faire ça ?
— Ta gueule et avance.
***
Le silence régnait. Le parc était plongé le noir. Les lampadaires qui bordaient les sentiers ne fonctionnaient plus depuis longtemps, depuis que le monde avait basculé dans l’horreur. Les animaux qui remplissaient autrefois les enclos pour le plus grand plaisir des petits et des grands avaient tous disparu aujourd’hui, victimes de la loi du plus fort. Les deux fauves qui avaient attaqué les deux hommes étaient certainement les seuls survivants d’une lutte de pouvoir destructrice.
Henry n’avait pas le choix. Sous la menace du fusil de la femme au béret vert, il marchait en direction du cabanon où se retranchait Salomon.
— Comment va-t-il ?
— Qui ? demanda Henry, étonné.
— Salomon, abruti ! Il est en vie ?
— Je suppose, oui.
La jeune femme esquissa un sourire.
— Comment tu le connais ? s’enquit-elle en poussant Henry avec le canon de son arme.
— Ce salopard a kidnappé une de mes amies.
— Et tu penses qu’il va te conduire à elle, n’est-ce pas ?
— Je l’espère, en tout cas. Enfin… si tu ne lui mets pas une balle dans la tête avant.
— Salomon est un menteur compulsif. Si tu crois qu’il va te conduire à elle, c’est que tu dois être le dernier abruti sur cette terre !
— Je ne comprends pas.
— Que t’a-t-il dit à propos de nous ?
— Qu’il a abattu votre chef pour prendre sa place.
Le béret vert gloussa.
— Du pipeau, mec ! Quand on l’a trouvé, il allait se faire bouffer par une bande de marcheurs. On lui a sauvé la vie.
— Et qu’a-t-il fait ensuite ?
— Tout se passait plutôt bien, du moins les premiers jours. Un soir, une personne a été contaminée et a essayé de mordre la première personne qu’elle a croisée. Manque de bol, c’était moi. Je lui ai mis une balle en pleine tête.
— Normal quoi !
— Oui, sauf que la personne contaminée n’avait pas été attaquée par un marcheur. Elle n’avait pas de trace de morsure ni de griffure. Le camp était bien sécurisé. Les chances qu’une de ces saloperies entre étaient pratiquement nulles. (Elle reprit son souffle.) Personne n’avait compris comment l’infection était entrée dans nos murs.
— Salomon.
— Oui. Il avait une fiole avec lui.
Certainement le sang de Sarah, pensa Henry. L’enfoiré avait eu le temps d’en prendre un peu avant sa fuite du Sanctuaire.
— Il disait qu’elle renfermait un grand pouvoir, poursuivit la jeune femme. Un pouvoir tellement grand que Dieu lui-même en avait peur. Il l’appelait le Fléau de Lucifer.
Le Fléau de Lucifer. Le nom était tout désigné. Il collait parfaitement à cette apocalypse.
— Il n’en a pas fini avec ces conneries ! lança Henry. Ce type est complètement fêlé !
— Il a commencé à diviser le camp avec ses belles paroles. Certains d’entre nous étaient prêts à le suivre.
— Cet enfoiré est très persuasif.
— La plupart des réfugiés étaient des personnes qui avaient perdu un proche, une femme, un enfant ou même les deux à la fois. Il était facile de les convaincre.
— Et qu’a-t-il fait ensuite ? demanda Henry même s’il connaissait déjà la réponse.
— Il leur a fait boire son breuvage.
— Et ils se sont tous transformés.
La jeune femme acquiesça de la tête.
— Et ils ont ensuite attaqué tous ceux qui se trouvaient sur leur chemin, ajouta-t-elle sur un ton flegmatique. En une nuit, notre camp était tombé. Nous avons pu rassembler quelques affaires et quelques armes avant de nous enfuir.
— Ensuite vous avez décidé de le traquer pour vous venger. Je comprends. (Il baissa les yeux et reprit.) Quand vous l’avez trouvé, tes hommes et toi, il était seul ?
— Oui. Désolé.
Henry souffla. Il commençait à se demander si Salomon ne s’était pas foutu de lui. La jeune femme avait sans doute raison. Salomon avait menti. Cependant, une question traversa son esprit alors qu’il repensait à sa conversation avec le révérend dans la Volvo rouge où flottait une odeur de mort : Taylor était-elle toujours en vie ?
Ils parvinrent au bout d’un chemin étroit entouré d’arbres et de buissons. Le cabanon se trouvait sur le côté gauche du sentier.
— Salomon est là, dit Henry, faiblement.
— J’espère pour toi qu’il va bien !
Henry ne comprenait pas le sens de la phrase. Pourquoi une personne qui souhaitait la mort du révérend se préoccuperait de sa santé. À moins que…
La jeune femme mit les fusils en bandoulière, poussa Henry pour lui passer devant et enfonça presque la porte de la cabane. Salomon se tenait debout au fond de la pièce. Sa jambe saignait encore. Un large sourire se dessina sur son visage quand le béret vert entra.
— Raïna ! lâcha-t-il, stupéfait.
Les yeux pétillants de bonheur, la jeune Marines se jeta au cou du révérend et l’embrassa langoureusement.
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