Épisode 23 – En territoire ennemi
Les hommes armés qui traquaient Salomon s’étaient dispersés dans le parc. Ils fouillaient l’endroit de fond en comble, enfonçant chaque porte à coup de pied sans se soucier du bruit qu’ils faisaient. Ils étaient furieux et déterminés.
Après avoir laissé le révérend, Henry avait repéré l’un des types. Sans arme, il s’était planqué derrière un kiosque en bois au centre d’une place boisée. C’était une petite boutique de souvenirs. Peluches, jouets et autres cartes postales s’amoncelaient sur les étagères. Un comptoir en bois longeait le mur du fond.
Henry observait l’homme. Il attendait le bon moment pour lui prendre le fusil des mains. Le type braquait le canon de son arme en direction du moindre bruit suspect en avançant lentement au centre de la place. Le regard fixe, il quadrillait l’obscurité avec la lampe fixée sur le fusil. Il se tourna brusquement, le faisceau lumineux pointé en direction du kiosque. Henry se plaqua in-extrémis contre l’échoppe.
L’homme plissa le front alors que la lampe éclairait l’intérieur de la boutique. Il haussa un sourcil, persuadé d’avoir aperçu une ombre. Intrigué, il fit un pas en direction de l’entrée et se posta face l’obscurité du magasin. Il s’immobilisa une seconde. Le silence du lieu le rassura. Il lâcha alors un gloussement, le sourire au coin des lèvres.
Henry profita de ce moment d’hésitation pour sortir de sa cachette. Il contourna la boutique et se présenta derrière le type. Ce dernier fixait toujours l’intérieur d’un air moqueur. Il abaissait le canon de son arme quand Henry lui enlaça le cou pour l’étrangler. Son visage s’assombrit alors.
L’homme suffoquait. Henry avait capturé sa proie et ne lâchait pas prise. Le type tentait d’agripper les cheveux de son agresseur d’une main en maintenant fermement le fusil de l’autre. Dans un dernier élan, luttant pour sa survie, il se pencha et parvint à le faire basculer par-dessus son épaule. Henry s’écroula de tout son long à l’intérieur de la boutique, sur une table en bois qui se brisa sous son poids.
L’homme tentait de reprendre son souffle en inspirant profondément. Le regard sombre, il comprit ce qui venait de lui arriver. Alors, pris d’une rage folle, il dirigea le fusil vers Henry, allongé au sol. Il le fixa un instant et posa un doigt sur la détente. Mais il se ravisa quand la dame à la robe blanche, qui venait d’apparaître à ses côtés, tel un fantôme, posa une main sur son épaule. Il tourna la tête vers elle et l’observa, les yeux écarquillés. Elle disparut brutalement.
Henry se redressa aussitôt, incapable de mettre des mots sur ce qu’il venait de voir, et plaqua l’homme au sol. La tête du type heurta violemment le bitume. Il perdit connaissance.
Henry arracha l’arme des mains de l’homme et se releva. Il regardait tout autour de lui. Qui était cette femme ? Les idées se bousculaient dans son esprit. Il ne parvenait pas à se soustraire à son image. Elle s’était logée en lui.
Les voix des hommes armés qui résonnaient dans le parc le sortirent de son marasme. Il vérifia le chargeur de l’arme et prit la direction du cabanon où il avait laissé Salamon.
***
Henry remontait une allée, coincée entre deux immenses enclos entourés de grillage. Il parvint en haut du chemin mais s’immobilisa. Un type lui barrait la route.
— Par ici ! s’écria-t-il.
Henry fit aussitôt volte-face mais un autre homme arrivait en contrebas du sentier. Il était pris au piège. Il se plaqua contre la clôture d’un des enclos et tira dans leur direction. Les types ripostèrent immédiatement. Henry échappa miraculeusement aux balles en se jetant au sol. Il releva la tête, son cœur se serra. La femme à la robe blanche se tenait immobile, au milieu de l’enclos, devant lui. Les deux hommes se rapprochaient dangereusement. Alors, sans hésiter, Henry se redressa et entra dans l’enclos par une petite porte grillagée. La femme avait disparu.
Derrière la végétation abondante, une partie de la clôture qui délimitait l’enceinte s’était affaissée comme si un 4×4 avait roulé dessus. Henry traversait l’enclos en courant. Il se dirigeait vers une issue, à côté d’une grande baie vitrée fragilisée par de nombreux impacts de balles. Les hommes étaient sur ses talons
— Ne bouge plus !
Henry s’exécuta et se retourna. Des corps déchiquetés formaient un amas dans un coin comme si on les avait mis là intentionnellement, formant ainsi une sorte de garde manger funeste.
— Où est-il ? lança un des hommes.
Les assaillants avançaient vers lui, leurs fusils braqués dans sa direction.
— J’ai besoin de lui ! s’exclama Henry.
— Dis-le nous ou je te bute !
Henry avait l’étrange sensation qu’on l’observait. Il porta son attention sur l’amas de chair en décomposition. Une ombre se mouvait derrière.
— Où est ce salopard ! insista l’homme d’une voix menaçante.
— On ne devrait pas rester là… lâcha Henry qui ne parvenait pas à détourner le regard de la silhouette.
Elle marchait de long en large dans le noir. Les deux mercenaires se rapprochaient d’Henry quand l’ombre émit un grognement rauque. Les types se retournèrent aussitôt et tirèrent. Les balles se perdirent dans l’obscurité. Ils vidèrent leurs chargeurs sans véritablement savoir sur quoi ils tiraient. Leurs doigts semblaient scotchés à la gâchette de leurs fusils.
Après plusieurs secondes d’une tension insoutenable, les deux hommes cessèrent leur folie destructrice. Le calme était revenu. L’un d’eux fit un pas vers l’obscurité. La silhouette bondit sur lui et se dévoila enfin.
Le lion ouvrit sa gueule ensanglantée et la referma sur l’épaule de l’homme en le renversant. Il lui arracha le bras et le recracha presque aussitôt. L’homme hurla, les yeux fixés sur les morceaux de chair qui pendaient encore à son moignon. L’animal planta ensuite ses crocs dans sa poitrine.
Son complice tentait de recharger son fusil d’une main tremblante. Il avait du mal à insérer le chargeur dans le magasin. Terrorisé par le fauve, il laissa glisser l’arme entre ses doigts. Il se pencha pour la ramasser mais se figea. Un autre lion, plus féroce, sortit de l’obscurité. Il avançait vers l’homme d’une démarche lente et assurée. Le bougre ne bougeait plus. Il était tétanisé. L’animal s’arrêta face à lui et rugit. Le cri résonna dans l’immensité de la nuit. Il était le seul maître des lieux.
Une larme coula sur la joue de l’homme mais l’animal ne le prit pas en pitié. Il se jeta sur lui, la gueule ouverte. Emporté par son élan, ils roulèrent sur le sol en soulevant la poussière autour d’eux. Dans ce capharnaüm, le monstre lui avait déjà arraché la moitié du visage. Il planta ses crocs acérés dans le crâne de sa proie qu’il brisa comme une vulgaire tasse en porcelaine.
Henry reculait lentement, les yeux fixés sur les animaux. Un d’eux releva le museau. L’homme se retourna alors et prit la fuite vers la porte qu’il avait aperçue en entrant dans l’enclos. Le monstre détourna son attention de sa proie pour le poursuivre.
Quelques pas suffirent à l’animal pour le rattraper. Henry enfonça la porte et entra dans une immense pièce sombre. Il la referma sur le lion qui s’était jeté sur lui
Henry cherchait une sortie. Il plongea instinctivement les yeux à travers l’immense baie vitrée. Bloqué à l’extérieur, le lion n’avait pas dit son dernier mot. Il s’élança et brisa la vitre. Son corps musclé retomba maladroitement de l’autre côté. Il se redressa. Henry l’abattit aussitôt.
Attiré par les coups de feu, l’autre animal releva la tête, un morceau de chair dans la gueule.
— Par ici ! s’écria une femme, au fond de la salle, la main posée sur la poignée d’une porte.
Elle portait un béret noir et tenait son fusil en bandoulière. Henry courut aussitôt vers elle. L’autre créature entra dans la pièce au même instant. La femme laissa passer Henry et entra ensuite. Elle referma aussitôt la porte.
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