Mercredi 8 juin est sorti le tome 4 de la bande dessinée Alice Matheson intitulé Qui est Morgan Skinner ?. L’occasion pour nous de vous donner notre avis sur ce tome ainsi que sur le précédent, Sauvez Amy, sorti quant à lui en janvier dernier.
La lecture du tome 2 nous avait laissés avec un sentiment plutôt positif sur l’avenir de cette première saison en 6 tomes. Avec un scénario à la jonction entre Urgence, The Walking Dead et Dexter, Alice Matheson s’était positionnée assez efficacement et intelligemment. Notre seule crainte pour la suite était de perdre l’atmosphère bien particulière à la limite du huis-clos qui nous avait définitivement séduits.
Synopsis officiel tome 3 :
“Elle est riche, surdiplômée, alors à quoi bon n’être qu’infirmière ?
C’est désormais chose certaine : l’épidémie provient du St Mary’s Hospital. Eliott Kitson de Scotland Yard tente de découvrir le coupable et Jordan Barry devient le suspect n°1.
Pendant ce temps, notre infirmière sociopathe Alice Matheson profite de ses congés pour étudier des zombies lorsqu’elle est appelée par une vieille « amie » : Amy.
Amy lui a autrefois enseigné à feindre l’empathie, à coller un zeste d’humanité sur son visage froid. Cette dernière a été mordue et lui demande de la sauver. C’est l’occasion pour Alice de pousser plus avant ses recherches. Le timing est serré, l’espoir plus que faible et ce que va découvrir Alice ne sera guère à son goût.”
Synopsis officiel tome 4 :
“Plus on est sous contrôle, plus ce qu’on dissimule est inavouable.
Au St Mary’s Hospital, Alice tente de percer le secret de son directeur, le docteur Skinner. Que cache cet homme maniaque, autoritaire et froid qui voue sa vie à son travail ?
Le jour où elle apprend que Skinner a fait admettre en néonatalogie un nourrisson abandonné à la naissance, et qu’il s’intéresse tout particulièrement à sa santé, elle est loin d’imaginer qu’elle a mis les pieds en terrain miné… Skinner n’accepte pas qu’on fouille dans sa vie privée, et il ne laissera personne contrecarrer ses plans, il a trop à y perdre.”
Commençons par la bonne nouvelle : le cœur de l’action principale se déroule toujours au St Mary’s Hospital. Les scénaristes semblent donc avoir définitivement fait le choix d’un cadre spatiotemporel restreint et c’est tant mieux pour nous.
Avant de rentrer dans le vif du sujet cependant, il est intéressant de noter que les tomes 2 à 4 ont discrètement changé de patte graphique. Alors que le premier ouvrage avait été dessiné par Philippe Vandaële, les deux suivants sont signés Zivorad Radivojevic et le dernier sorti Federico Pietrobon. Et ce n’est pas tout car même du côté du scénario, il y a eu du changement puisque c’est Stéphane Betbeder qui a écrit Qui est Morgan Skinner ?, succédant ainsi au talentueux Jean-Luc Istin.
N’étant pas spécialiste du domaine, je ferai l’économie d’une critique graphique élaborée. Néanmoins, il me semble que ces changements n’ont pas trop affecté l’atmosphère globale. Si véritable différence il y a, elle se situe surtout au niveau du traitement des vignettes et de leur dynamique plutôt que dans le trait de crayon à proprement parler. J’ai cependant une réserve concernant le dernier tome pour lequel j’ai eu quelques “accrochages” visuels que je n’avais pas trouvés chez ses prédécesseurs dont les traits m’avaient paru plus aseptisés et fluides, à l’image de l’univers de la BD. Quant au scénario, il est encore un peu tôt pour se prononcer sur ses éventuelles dérives ou, au contraire, sur son brio.
Pour en revenir à nos moutons, le tome 3 est celui de la découverte. Dans ce tome, vous pourrez déguster le passé d’Alice à toutes les sauces. Des souvenirs de son enfance et des retrouvailles avec son amie de la fac, Amy. Vous en apprendrez également un peu plus sur les plans de carrière de l’infirmière et ses habitudes de psychopathe. Belle, calculatrice, douée au combat. Dans son genre, serait-elle parfaite ? Nous apprenons grâce au tome 3 que ce n’est pas si simple et que comme tout un chacun Alice a aussi ses faiblesses.
Malgré cela, pour être franche, Sauvez Amy ne m’a pas enthousiasmée autant que les précédents tomes. Premièrement parce que j’appréciais particulièrement l’atmosphère confinée de l’hôpital et que la BD s’en éloigne un peu trop à mon goût. Ensuite parce que j’ai trouvé le passage avec Amy légèrement artificiel et surdimensionné par rapport à ce qu’il apporte effectivement à l’histoire. Le nombre de pages consacrées à l’assistance qu’Alice porte à sa vieille amie aurait pu être, il me semble, considérablement réduit sans pour autant nuire au scénario. À savoir : découvrir un peu plus le passé de l’infirmière, et à travers ça, son présent.
J’admets que c’est un point de vue très personnel qui mérite débat, mais ce que j’apprécie chez Alice depuis le début c’est avant tout son côté solitaire. Je préfère donc davantage la voir combattre seule dans les rues ou faire ses magouilles dangereuses à l’hôpital que de la voir rencontrer de vieux démons, surtout lorsque cela n’apporte pas vraiment de suspense.
Heureusement, ce tome préserve le fil rouge que sont l’étude des zombies, la recherche d’un antidote, du patient zéro et de l’origine du mal. Nous apprenons entre autres que l’infection est évolutive et que même si elle n’affecte pas tous les individus de la même façon, le temps nécessaire à la transformation d’un humain infecté en créature d’outre-tombe a tendance à se réduire petit à petit. Cela risque donc bien vite de devenir un enjeu politique puisque plus la maladie se propagera vite, plus le pays risquera de perdre le contrôle. Pour le moment, l’infection ne touche que Londres, mais qu’en sera-t-il dans quelques tomes ?
En attendant, le tome 4 est, sans surprise, concentré sur le personnage de Skinner. Contrairement à Sauvez Amy, Qui est Morgan Skinner ? entre plus rapidement dans l’action et nous comprenons très vite de quoi vont traiter les 50 pages de l’ouvrage. Alice se sent en danger tout en soupçonnant Skinner d’avoir lui aussi des choses à cacher. C’est pourquoi elle décide de se mettre en chasse pour être la première à découvrir son secret et pouvoir ainsi le contrôler. Les histoires d’Alice passent alors au second plan et bien que l’infirmière demeure au cœur de l’action, ce sont cette fois-ci les secrets de Skinner que nous découvrons. Toujours au bon endroit au bon moment, Alice trouve assez rapidement et sans trop de difficultés les bons indices pour répondre à ses questions. Plus l’intrigue avance, plus l’infirmière s’expose, mais étonnamment cela ne coïncide pas pour autant avec une augmentation de l’angoisse côté lecteur. Au contraire, l’ambiance tendue des débuts s’effrite doucement, mais sûrement. À la façon de Rick dans Walking Dead, notre psychopathe semble peu à peu se transformer en super héros de l’apocalypse, sans peur et immortelle.
Par contre, Alice et Skinner possèdent un art certain pour faire tomber les gens qui les côtoient comme des mouches, à l’hôpital comme à l’extérieur. À ce rythme là d’ailleurs Londres risque d’être très vite dépeuplée. Là encore (eh oui), j’ai été un peu lassée car j’ai trouvé l’épisode Skinner un peu longuet. Une fois de plus, selon moi, l’histoire fait beaucoup de bruit pour pas grand chose et bien que j’apprécie la relative lenteur du scénario, je trouve les péripéties très longues et elles ne semblent pas toujours se justifier au regard de la trame principale. Heureusement, les longueurs permettent aussi de profiter de scènes détaillées très agréables. Je songe notamment à une scène où Alice échafaude des plans pour accéder à l’ordinateur professionnel de Skinner sans se faire repérer par une infirmière de garde accroc à la caféine.
Les amateurs d’hémoglobine ne seront pas non plus en reste puisque ce tome est plutôt généreux en scènes sanglantes assez détaillées. Mais, là encore, je suis personnellement restée sur ma faim car j’ai trouvé les scènes de massacre un peu gratuites, d’autant plus que, dans ce tome, le fil rouge a complètement été laissé de côté, laissant le mystère zombie en suspens. Pour finir, mauvaise nouvelle pour les amateurs de jolies gambettes, le tome 4 est le seul dans lequel Alice reste vêtue intégralement de la première à la dernière page. Choix de scénariste ? Quoi qu’il en soit, terminés les nuisettes, les bains de minuit et autres tenues sexy. Dans Qui est morgan Skinner ?, vous verrez plus d’hommes que de femmes à poils !
En conclusion, Alice Matheson reste au-dessus de la moyenne des productions zombies et rien que pour cela, cette BD vaut le coup d’être lue. Bien que mes attentes personnelles n’aient pas été complètement comblées, je pense que la majorité des lecteurs appréciera que le récit conserve une vraie unité, son atmosphère bien particulière, et par-dessus tout que la thématique hospitalière reste au cœur de l’intrigue. La BD prend le temps de se mettre en place et c’est tout à son honneur car cela nous permet d’apprécier le côté minutieux et calculateur des personnages, en attendant de voir ce qu’ils nous réservent pour la suite.