Épisode 24 – Prise de conscience
Valery poussa la porte de la chambre, une bouteille d’eau à la main. Robert était toujours ligoté à la chaise, au centre de la pièce. Sa femme, Martha, était assise sur le rebord du lit, dans un coin. Elle caressait tendrement les cheveux de son petit-fils qui s’était endormi sous les draps. L’infirmière fit un pas dans la chambre. Le malabar qui surveillait la famille lui agrippa le bras.
— Caïn sait que tu es ici ?
— Il a besoin d’eau, lâcha sévèrement la jeune femme. Quoi… tu veux le laisser mourir de soif !
L’homme roula des yeux et la relâcha. Valery lui lança un regard sombre et s’accroupit face au vieil homme. Ce dernier la fixait. Il semblait désemparé. L’infirmière déboucha la bouteille et posa le goulot sur ses lèvres. Robert toussa quand le liquide s’écoula dans sa gorge.
— Vous allez lui faire quoi, à Henry ? demanda-t-il entre deux gorgées.
— Ne vous inquiétez pas de ça pour le moment.
— Je connais les types comme Caïn, tu sais.
Valery haussa les sourcils, intriguée par ses propos.
— J’ai survécu avec un gars comme lui, poursuivit Robert. C’était un homme tyrannique et sanguinaire. Il avait adopté sa propre religion. Je vais te dire ce qu’il va se passer. Les choses finiront par mal tourner. Et quand ça arrivera, ton chef te laissera tomber, sois en certaine.
Valery n’approuvait pas les méthodes de Caïn pour retrouver Henry. Elle avait accepté de le suivre pour s’assurer que Sarah sorte saine et sauve de cette vengeance. Elle n’avait pas signé pour assister à des séances de torture. Gênée, elle se redressa en évitant de croiser le regard de Robert et rejoignit Martha.
— Comment va-t-il ? demanda-t-elle en regardant le jeune garçon fixement.
Il s’était endormi sous les couvertures, dans une position fœtale. Il lui tournait le dos.
— Bien, répondit Martha en posant des yeux emplis de tendresse sur son petit-fils. Il s’est endormi.
— Je suis désolée pour ce qui s’est passé tout à l’heure.
— Il aurait pu le tuer !
— Je sais.
— Regardez-le. Il est si jeune. Que lui arrivera-t-il si nous ne sommes plus là ? Je vous en supplie. Laissez-nous partir. (Elle plongea ses yeux dans ceux de la jeune femme.) On veut juste vivre en paix !
Une profonde tristesse s’empara de Valery. La détresse de Martha avait su la toucher. Elle jeta un dernier un regard vers le garçon qui dormait paisiblement et sortit de la chambre.
Elle regagna le rez-de-chaussée avec le sentiment que Caïn était allé trop loin. Elle s’immobilisa sur la dernière marche de l’escalier. L’homme était penché au-dessus d’une carte posée sur la table du living-room. À ses côtés, deux de ses hommes attendaient ses instructions.
— Le vieux a dit que le bunker se trouvait à huit kilomètres au nord de cette nationale, pensa Caïn à haute voix.
Il suivit du regard la ligne rouge qui traversait la carte et pointa un endroit du doigt.
— Là, il y a la rivière. Là, le barrage. Le bunker devrait être dans le coin.
— Mais il n’y a rien sur la carte, Caïn ! s’exclama un des hommes.
— Normal. J’imagine qu’un bunker ne figure pas sur les cartes. Mais regarde… il y a un chemin de terre qui ne conduit nulle part. (Il tapota l’endroit vigoureusement.) C’est là ! Le bunker se trouve ici.
Il en était persuadé.
— Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ?
— Rassemble les affaires, répondit Caïn d’un ton ferme. On part dans dix minutes !
L’homme de main se tourna vers son complice qui haussa les épaules.
— Dis… dit-il en se retournant vers Caïn, presque gêné, on pourrait rester ici, non ? Enfin, je veux dire… heu… on est tous crevés. Une bonne nuit de repos ne nous ferait pas de mal.
Caïn lui fit face d’un air sombre.
— Non ! On y va, insista-t-il avec autorité.
Les deux hommes s’écartèrent de lui et s’exécutèrent. Valery bondit alors de la dernière marche de l’escalier et rejoignit Caïn d’un pas décidé.
— Faut que je te parle.
— Quoi encore ? se rembrunit Caïn, les yeux posés sur la carte.
— Pas ici.
L’homme se retourna en soufflant et suivit l’infirmière dans la cuisine, à l’écart.
— Tu vas faire quoi du vieux couple ?
— Je sais pas. J’ai pas encore décidé. Pourquoi ?
— Ils ne sont pas une menace. On pourrait les laisser partir, non ?
Caïn gloussa.
— Ah. Je vois. (Il marqua une courte pause et reprit, un sourire au coin des lèvres.) Henry et toi êtes pareils.
— Quoi !
— D’après toi, pourquoi il nous a trahis ?
Valery ne comprenez pas le sens de la question. Elle haussa les épaules.
— Parce qu’il voulait retrouver une vie normale, poursuivit Caïn. Il a décrété que ce monde pouvait être sauvé. Belle connerie ! Toutes les personnes qui survivent sont une menace potentielle pour nous.
— Et toi, tu l’es aussi pour eux.
— Je sais. C’est justement là-dessus que je compte pour me faire respecter. Enfin, Valery… Regarde dans quel monde on vit ! Tous ces putains de macchabées ne sont pas la principale menace. L’homme est pire que tout.
— Et où tu te situes dans tout ça ?
— Je sais pas. Où tu me situerais ?
L’homme gloussa à nouveau et sortit de la cuisine. Il en avait assez entendu. Il se posta devant ses hommes qui rangeaient les affaires. Il les regardait avec fierté. Mais alors qu’il pensait être bien à l’abri dans sa bulle, à l’écart des pensées négatives, un sentiment d’angoisse l’envahit soudainement. Pour la première fois, il prit conscience qu’il avait le pouvoir de vie ou de mort sur ces hommes. Ils étaient prêts à le suivre sans discuter, quitte à affronter la mort et à y rester. Une boule se format dans son estomac et il comprit que la part d’humanité qu’il avait enfouie jusqu’ici refaisait surface. Il expira profondément et lâcha, le cœur haletant :
— Ok. On est tous crevés. Reposez-vous, on lève le camp demain aux premières lueurs du jour.
Valery, qui le connaissait bien, savait qu’il était en plein doute. Un léger rictus se dessina sur son visage.
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