Critique de Colin
Colin, le premier long-métrage du jeune réalisateur britannique, Marc Price, avait rencontré un succès inattendu en parallèle du Festival de Cannes en 2009. En effet, alors qu’il était projeté au Marché du festival, où les distributeurs du monde entier viennent faire leurs achats, la presse internationale (CNN, The Hollywood Reporter et l’anglais ITN) avait vanté les mérites du film. Mais au-delà des qualités de Colin, c’est surtout le faible budget du film (45 £) qui avait retenu l’attention des journalistes et avait suscité le buzz.
Or, ce n’est pas tant la faiblesse du budget dont disposait Marc Price pour réaliser son film qui est intéressant sinon l’angle choisi. En effet, le long-métrage raconte l’histoire du jeune Colin (Alastair Kirton) après qu’il a été mordu et se soit transformé en zombie. On suit alors ses pérégrinations dans une ville en pleine apocalypse zombie.
A ce titre, ce choix de filmer l’apocalypse du point de vue d’un zombie s’explique aussi par la faiblesse du budget. Comme l’explique Marc Price dans une interview accordée à The Guardian en 2009, en tant que fan, il souhaitait rendre hommage au genre et y contribuer. Or, sans argent la seule chose qu’il pouvait offrir était de trouver un angle novateur. Alors, est-ce vraiment si différent et réussi ?
Un vrai film de genre au service d’une véritable odyssée
Colin avait tout pour être classé parmi les mauvaises séries Z avec son budget ridicule et ses acteurs amateurs (souvent les amis du réalisateur), pourtant le film a réussi à s’affranchir de ces différents problèmes de manière astucieuse. D’abord, suite à un recrutement sur les réseaux sociaux, Marc Price a réussi à embaucher Michelle Webb, qui venait de travailler en tant qu’assistante sur X-Men 3, pour s’occuper des maquillages et le résultat se fait sentir. Les maquillages sans être géniaux sont de loin plus réussis que ceux de la majorité des séries Z. En tout cas, suffisamment réussis pour qu’on y croit.
Ensuite, centrer l’action sur le personnage de Colin permet de réduire le nombre d’interventions des acteurs amateurs. Les dialogues étant assez rares, on nous épargne durant la plupart du film leurs piètres interprétations.
En revanche, Alastair Kirton qui joue Colin, remplit parfaitement son rôle. Alors qu’il interprète le zombie de manière convaincante, son personnage traverse toutes sortes d’aventures qui illustrent parfaitement ce qui se passerait en cas d’apocalypse zombie. Un bel hommage au genre. Ainsi, il assiste bien malgré lui au suicide des uns, au massacre des autres, à la perversion de certains hommes qui profitent du chaos pour kidnapper et maltraiter de jeunes filles mais aussi aux extrêmes auxquels sont poussés les survivants lorsque l’un des leurs est mordu. D’ailleurs, certaines des étapes de son odyssée, comme la rencontre de Colin avec des membres de sa famille, sont très bien mises en scène. En effet, désespérés, ils le capturent et l’enferment dans le domicile familial. Sur place, il se colle à une baie vitrée, qu’il martèle inlassablement, alors que sa famille, maintenant inatteignable, se réconforte à l’extérieur. Marc Price parvient alors à capter avec brio la douleur de cette famille forcée de couper le lien avec ce monstre aux traits de celui qu’ils aiment. A ce titre, cette rupture est encore mieux mise en scène lorsque la mère de Colin scotche des feuilles de journaux sur les vitres afin d’essayer de l’isoler à jamais et de l’oublier.
Un film trop ambitieux pour un si mince portefeuille
Malheureusement, toutes les scènes ne sont pas aussi réussies et certaines sont assez ennuyeuses. En effet, le réalisateur fait souvent appel à des séquences de paysages (ciel, ville, lumières…) passées au ralenti et cherche toujours à filmer de manière originale. Par exemple, à chaque fois qu’il est possible de filmer une scène en se servant d’un reflet (miroir, robinet…), Marc Price saute sur l’occasion. Or, trop rechercher l’originalité esthétique s’avère contre-productif tant le spectateur est vite lassé par ces petits jeux de mise en scène. Marc Price aurait gagné à faire plus simple notamment pour les scènes faisant appel à de nombreux zombies qui s’avèrent être très brouillones. Les plans sont trop serrés et le spectateur se perd dans la confusion des combats. On a alors l’impression de regarder un film de Terrence Mallick à 5€. On reste là passif à contempler des images défiler.
En réalité, le film est un peu trop ambitieux pour son budget. D’une part la qualité de l’image ne suit pas pour fournir de magnifiques plans. D’autre part, il semble que le réalisateur ait voulu incorporer ces plans pour pousser plus loin la réflexion du spectateur ou du moins accroître son immersion dans le film. Pourtant c’est l’effet inverse qui prédomine. Ces scènes sont terriblement artificielles et même si l’on comprend très clairement le sens de certaines d’entre elles, on a le sentiment qu’elles sont de trop. Par exemple, alors que Colin se retrouve devant un panneau avec deux flèches allant dans des sens opposés, la caméra se concentre d’abord sur les deux flèches puis sur chacune d’entre elles, insistant sur le fait qu’elles pointent dans des directions différentes. Le message est clair : Colin est devenu un zombie et sa vie n’a plus de sens mais ce genre de scène est de trop.
Ainsi, on ressort assez mitigé après la vision de cet ovni filmique. D’un côté l’originalité du film et de la mise en scène le rendent plaisant à voir, de l’autre, la lenteur de l’histoire et la recherche perpétuelle de fioritures cinématographiques sont gênantes. Malgré tout le film reste un bon exemple de ce que l’on peut faire sans argent, peu de moyens mais avec une bonne idée. En fin de compte, un film à voir seulement si vous voulez regarder quelque chose de vraiment différent.
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