Sorti en janvier 2014, soit il y a tout juste un an, il nous aura fallu du temps pour nous laisser tenter par Zone 1 (Zone One). Pourtant, le livre avait de quoi attirer notre attention. D’abord, il est publié chez Gallimard, un éditeur qu’on ne présente plus en France, dans sa collection Du monde entier. Ensuite, il est le cinquième roman de fiction (tous publiés chez Gallimard) de l’écrivain américain Colson Whitehead qui s’était déjà fait remarquer pour ses précédents ouvrages. En fait, nous ne savions pas, qu’en prenant ainsi notre temps, nous allions à ce point nous approcher de la manière dont Colson Whitehead dresse le portrait de l’apocalypse zombie dans laquelle un certain Mark Spitz, son héros, évolue.
“La Dernière Nuit a eu lieu. Le fléau s’est répandu. Et dans le désert du monde d’après, les rares humains survivants luttent au jour le jour pour échapper aux zombs, ces morts-vivants cannibales et contagieux. Pourtant, l’espoir commence à renaître. Dans la Zone 1, tout en bas de Manhattan, Mark Spitz et ses camarades ratisseurs éliminent les zombs traînards, première étape d’une patiente entreprise de reconquête. Mais la victoire est-elle seulement possible? Et pour reconstruire quel monde? Mark Spitz se sent fait pour ce chaos absurde grâce à sa médiocrité même, et éprouve une étrange empathie pour les traînards. Et parfois, il lui vient à l’esprit la pensée interdite…”
Car, s’il y a une chose à dire au sujet de Zone 1, c’est que ce roman sort à de nombreux égards des sentiers battus que beaucoup d’ouvrages zombies se contentent de parcourir notamment en distillant son histoire à un rythme bien à lui. Si vous attendez d’un roman zombie une succession de scènes d’action et de démembrements, une lutte continue pour la survie, c’est vers les romans du label Eclipse qu’il vous faudra vous tourner. Car Zone 1, c’est avant tout l’histoire de comment une civilisation – la nôtre – tente de se reconstruire après qu’une apocalypse zombie a tout ravagé. C’est l’histoire d’un homme simple, un mec lambda, qui par le biais de ses souvenirs, de ses rencontres, nous raconte comment la race humaine en est arrivée à essayer de reconquérir une partie de Manhattan – la fameuse zone 1. Ainsi l’action du roman, qui s’étale sur trois jours, se résume aux nettoyages des bâtiments de la zone par Mark et son équipe qui sont chargés de tuer les zombs traînards, des zombies non agressifs qui se contentent de rester à un endroit avec lequel ils ont un lien émotionnel particulier. Tout le reste, qui occupe la majeure partie de l’ouvrage, est le récit de ses souvenirs, ses réflexions sur ce nouveau monde, sur les premières phases de la reconquête, sur le sens à donner à sa vie…
Vous pourriez alors craindre que toutes ces errances en fassent un roman quasi philosophique mais loin de là : nous avons davantage affaire à une lecture originale et bien souvent intéressante autant dans son fond que dans sa forme, qui dresse un portrait réaliste et bien pensé d’un monde post-apocalyptique et de la reconquête de ses villes par l’Humanité.
En réalité, si je devais adresser un reproche à Colson Whitehead, qui n’a d’ailleurs pas la plume la plus facile à lire tant il cherche à avoir un style distingué, c’est de s’être parfois laissé entraîner par son propre jeu. Ainsi, les divagations de son personnage sont parfois un peu trop nombreuses (voire inutiles) et on en vient, à plusieurs reprises, à en perdre le fil de l’histoire. Laisser le livre de côté quelques jours, ce qui m’est arrivé, est l’assurance de devoir feuilleter les pages en arrière pour essayer de se resituer.
En fin de compte, Zone 1, ne serait-ce que pour cette vision assez différente de l’apocalypse zombie qu’il nous propose, mérite que l’on s’y attarde. La présence d’un tel livre chez un éditeur tel que Gallimard n’est pas un hasard et une fois encore l’éditeur fait office de label de qualité. Reste qu’avant de vous lancer dans une telle lecture, il faut savoir ce qui vous attend.
Pour lire un extrait : cliquez ici.
5 commentaires
totalement d’accord avec ta critique. 🙂 Un livre “spécial” mais que j’ai adoré. (à part les quelques passages dont tu as parlé que j’avais aussi détecté.)
“…. divagations de son personnage sont parfois un peu trop nombreuses (voire inutiles) ” et surtout tres longues !!! entre la premiere sequence d’action et la seconde il ya environ 200 pages de ce qui m’a fait penser a un vidage de sac dans les regles de l’art tant j’ai eu cette impression que l’auteur en voulait a la face du monde ( bon il a le droit hein, c’est juste qu’il aurait pu prevenir^^ )
il ya un monde entre les publications d’Eclipse pleines de bidasses armées jusqu’aux dents ( fatiguant a la longue ) et celle ci où le seul moment OMG est le passage avec la voyante .. dont j’ai trouvé la fin baclée, comme celle du livre d’ailleurs
un recit a l’image de son heros : moyen et beaucoup de remplissage
je le classe entre ” le retour des morts” de Lindqvist et la serie ” Feed”, soit juste en dessous de la trilogie wellington
arghhhh, la vache, t’es dur…..
Moi qui pensait être le critique le plus méchant et difficile du monde 😉
Cela dit, tous les gouts sont dans la nature et tous les avis sont bons à prendre.
c’est aussi que j’en ai lu un paquet ( liste sur demande^^ )
le pitch me plaisait , la deception fut a la hauteur de l’attente ..
je lis surtout le soir avant de m’endormir et ya eu trop de fois où, perdu dans les descriptions critiques de la société, je me demandais où j’en etais et je devais rembobiner plusieurs pages pour retrouver le lieu et l’action ( comme Squeletor l’a souligné ) … boring !
apres je comprend et j’apprecie le concept mais là c’est trop
Par contre pour celui qui veut XP son ecriture et enrichir son vocabulaire c’est foutrement bien ecrit
Bienheureux de découvrir que cet ouvrage est l’objet de quelques commentaires sur un site consacré à la culture zombie. En effet, il est trop souvent absent des bibliographies qui se veulent exhaustives sur le sujet et pourtant…
A mes yeux, Zone 1 est une perle.
L’auteur a compris à la perfection les intérêts de l’univers Zombie et s’inscrit dans une réflexion sur la vie (ou la survie..) et une critique de la société. Il ne se contente d’explorer la survie physique (d’où peut-être un manque d’actions pour certains) bien qu’elle soit brillamment exploité mais se consacre longuement à la survie psychologique, à ses mécanismes. Il ne se réfugie pas derrière des pétages de plomb démonstratifs mais expose, dissèque, analyse tout ce que cette situation post-apocalyptique a pour conséquence sur la vie de l’esprit et comment les êtres humains réagissent pour ne pas devenir véritablement fou et demeurer un tant soit peu vivant.
Il critique abondamment la société, mais avec un talent certain. Ses réflexions sont précises, riches et nous offre un regard nouveau sur notre monde actuel tout en participant à bâtir son univers. A ce propos, si vous consulter la bibliographie de l’auteur, vous remarquerez que cette critique sociétal est la trame de nombre de ses ouvrages. Et je doute qu’il ait choisi de nous décrire un univers zombie pour le goût de la viande fraîche, des armes et des héros omnipotent.
Sinon, cet ouvrage est vraiment bien écrit et relève en effet davantage de la littérature que beaucoup d’ouvrage traitant du même sujet. Et c’est ce qui est appréciable. Il démontre que l’univers zombie peut se prêter à une écriture riche et complexe. Il parvient en nous décrivant seulement 3 jours de la vie d’un homme à nous faire vivre, comprendre, sentir, penser plusieurs années de vie post-apocalyptique. Les flash-back sont nombreux, certes, mais parce que les personnages sont eux même tiraillé entre un avant et un après qu’ils s’efforcent de réconcilier dans un présent effroyable. De plus, il donne des pistes pour l’écriture de dizaines autres histoires… L’ouvrage foisonne d’anecdotes qui entraîne notre imaginaire vers des horizons sans fin. L’intrigue est parfaitement mené et la fin merveilleusement post-apocalyptique.
Vous l’aurez compris, l’ouvrage a su répondre à mon goût pour l’écriture et les zombies. Je terminerais en donnant la parole à l’auteur dans une citation que j’aime beaucoup et qui en dit long : “Toute société fabrique les héros dont elle a besoin”
Et restez vivant !